Bibliomancie ou Stichomancie
La bibliomancie est une pratique
divinatoire consistant à ouvrir au hasard un écrit et à tirer de la lecture
d'un passage également choisi au hasard une prédiction ou une décision. Lorsque
le livre choisi est un recueil de poésies, ce procédé est parfois appelé
Stichomancie ou plus rarement
Rhapsodomancie.
On qualifie souvent de
bibliomancie des techniques proches, telles que les sortes homericœ (sorts homériques) et les sortes
virgilianœ (sorts Virgiliens) de
l'antiquité, les Sortes Sanctorum (sorts
des saints) du monde chrétien, le Fal (bonne
parole) des musulmans de Perse, etc.
Les termes de bibliomancie ou de
stichomancie lorsque le texte est en vers, recouvrent diverses pratiques qui
ont comme point commun le fait que la lecture au hasard d'un fragment de texte,
sacré ou profane, apporte la réponse à une question ou décide d'une action. Ces
pratiques remontent à l'antiquité et se sont perpétuées jusqu'à nos jours sous
des formes diverses.
Sorts Homériques ou Virgiliens
L'antiquité avait recours à
l'usage des « sorts homériques », procédé consistant à choisir au hasard un
passage d'un des poèmes d'Homère ou de Virgile et de tirer de l'interprétation
d'un vers la réponse à la question posée. Cette stichomancie était fréquemment
utilisée durant l'Empire romain.
Bath-Kol
Alfred Maury avance que les Sorts
Homériques ou Virgiliens était un reste de celui que les Hébreux appelaient
Bath-Col. Or, dans le Talmud, le Bath-Kol (fille de la joie) n'est pas un texte
mais une voix céleste qui transmet la volonté divine. Dans la pratique, il
s'agit en général d'une voix entendue au hasard disant un texte ayant une
relation avec un évènement en cours. C'est une manifestation de ce type qui est
à l'origine de la conversion de saint-Augustin en 386.
Bible et évangiles
Dès le IVe siècle, et durant le
Haut Moyen Âge, les clercs pratiquaient fréquemment le tirage au sort d'un
passage des Saintes Écritures pour orienter leurs choix. Le tirage au sort de
passages des évangiles pour décider de l'intronisation de quarante-deux évêques
est attesté en Angleterre entre 1070 et 1129.
On procédait de façon solennelle
:
ͽ
on plaçait sur l'autel, le psautier, les évangiles et
le missel et, à l'issue de la messe,
ͽ
on ouvrait au hasard les trois livres pour en extraire
un passage.
ͽ
On considérait que l'oracle était parfait lorsque les
trois textes concordaient.
On consultait encore la destinée
ou le sort en ouvrant la Bible avec une épingle d'or, et en tirant présage du
premier mot qui se présentait.
Sorts des saints ou des
apôtres
Le pape Gélase Ier qui classa les
sorts des saints parmi les apocryphes. Les sorts des saints (Sortes sanctorum),
également appelés sorts des apôtres (Sortes apostolorum) semblent directement
hérités des sorts virgiliens de l'antiquité. Bien que souvent confondue avec la
pratique consistant à ouvrir au hasard un livre canonique, les sorts des saints
étaient des ouvrages spécifiques, composés de sentences faussement attribuées
aux saints ou aux apôtres, dont le choix au hasard était censé donner la
réponse à la question posée. C'est bien un livre spécifique que le pape Gélase
Ier classa dans les ouvrages apocryphes en 494.
Un exemplaire écrit en provençal, daté de la fin du 8e
siècle, a été découvert au cours d'une démolition à Cordes à la fin du 19e
siècle. Il commence par une longue prière qui se termine par « Ce sont ici les sorts des apôtres ».
Suivent cinquante-sept sentences qui correspondent chacune à un fil de couleur.
On choisissait un fil au hasard et le texte correspondant était censé apporter
la réponse à la question posée.
Autres
D'autres ouvrages d'oracles ont
été également utilisés dans l'occident chrétien, tels que les Sorts de Saint-Gall
au VIIe siècle ou les sortes XII Patriarchum, Prenostica Pitagorice et
Prenostica Socratis Basilei aux XIIe et XIIIe siècles.
Fal ou Coran ouvert
La pratique dite « fal » (bonne
parole) est attestée au XVIe siècle sous la dynastie Séfévides
en Perse (Iran), et aussi dans les traditions ottomanes sunnites à la même
période, et poursuivie au moins jusqu'au XIXe siècle. Le falou Istikhar
consiste à ouvrir au hasard un livre de poèmes, en particulier ceux du poète
persan Hafez (XIVe siècle) et d'en tirer un présage. Les ouvrages de Djalâl
ad-Dîn Rûmî sont aussi fréquemment utilisés à cette fin.
On peut également ouvrir au
hasard un Coran, soit pour en tirer directement un verset, soit pour en
extraire une lettre qui renvoie à une liste de distiques (couplets) ajoutés à
la fin de l'ouvrage et considérés comme étant la réponse à la question posée.
La lecture directe du Coran doit se faire d'une façon précise :
ͽ
le musulman doit préalablement procéder aux ablutions
rituelles.
ͽ
Puis, après avoir ouvert le Coran au hasard, il doit
lire la septième ligne du feuillet droit, puis la septième ligne de la septième
page avant et après.
ͽ
C'est de l'interprétation de la combinaison de ces
trois lignes que ressort le présage.
Le Fâlnâmeh est un manuel abrégé
de bibliomancie qui indique les valeurs divinatoires des lettres de l’alphabet.
L'ange des bibliothèques
Dans un ouvrage paru en 1972,
l'écrivain Arthur Koestler mentionne quelques exemples d'un phénomène qu'il
appelle « l'ange des bibliothèques ». Si, dans les exemples qu'il relate, il y
a bien une relation avec un écrit, il s'agit en général de coïncidences
fortuites relevant de la synchronicité et non de la recherche délibérée d'une
réponse à un questionnement. C'est toutefois cette expression qu'utilise
l'écrivaine Québécoise Nathalie Boisvert pour décrire l'exercice qui lui
procure des sources d'inspiration et qui s'apparente à de la bibliomancie : « Je me rends dans une bibliothèque et je
m’assois à une table où des livres ont été oubliés. J’en prends un, je l’ouvre et
je lis. Presque toujours, je tombe sur un sujet qui va nourrir le thème de ma
pièce ou amener l’histoire ailleurs. »
Gaufrettes à messages
Certaines gaufrettes portent des
messages qui peuvent être interprétées comme des sentences s'appliquant à leur
lecteur. C'est aussi parfois le cas sur des emballages de bonbons ou de
morceaux de sucre.
Méthode de dépistage des
sorciers
Divination ou sorte d'épreuve
employée autrefois pour reconnaître les sorciers. Elle consistait à mettre dans
un des côtés d'une balance la personne soupçonnée de magie, et dans l'autre la
Bible ; si la personne pesait moins, elle était innocente ; si elle pesait
plus, elle était jugée coupable : ce qui ne manquait guère d'arriver, car bien
peu d'in folio pèsent un sorcier.