Contes et histoires de Sorciers et Sorcières d'Ecosse
MacGillichallum de Razay
John Garve
MacGillichallum, de Razay, était un ancien héros de grande renommée. Réputé à
son époque pour la galanterie de ses exploits, il fut souvent un sujet de choix
dans les poèmes et les chansons des bardes. Doté d'une constitution physique
naturellement solide et puissante, Razay possédait en outre toutes ces nobles
qualités de l'esprit qu'un véritable héros est sensé avoir. Pour compléter la
description du personnage, il faut ajouter qu'il n'employait ses talents et sa puissance
qu'au meilleur usage. Il était l'ennemi incontesté, impitoyable et inexorable
de toute forme de sorcellerie et partisan de renvoyer nombre de représentantes
de cette gente à son "héritage noir" beaucoup plus tôt qu'elles ne
l'attendaient ou ne le désiraient.
On peut donc supposer que
Razay pendant qu'il dispensait tous ses bienfaits sur ces braves gens, ne
faisait rien pour se gagner les faveurs de ces sorcières infernales desquelles
il était l'ennemi mortel. Comme il fallait naturellement s'y attendre, elles
nourrissaient à son égard la soif la plus implacable de vengeance et
recherchaient avec une détermination sans faille l'occasion de l'assouvir.
Qu'une telle occasion se soit malheureusement présentée et que la vengeance
préméditée de ces sorcières se soit trop bien accomplie, ressortira rapidement
de cette triste histoire.
Un jour, Razay et un
certain nombre de ses amis projetèrent une expédition sur l'île de Lewis dans
le but d'y chasser le cerf. La fine fleur des jeunes hommes de Razay embarqua
sur le navire du chef de l'expédition. Quelques heures plus tard, ils se
livraient à la chasse du cerf bondissant sur les montagnes de Lewis. Ils y
excellèrent. Cerf après cerf, biche après biche, furent bientôt abattues par la
main infaillible de Razay. Quand la nuit mit un terme à la chasse, ils se
retirèrent dans leurs abris où ils passèrent la nuit dans les réjouissances et
dans l'allégresse, se souciant peu de leur mélancolique destin. Cela dura
jusqu'au matin. Le lendemain matin, Razay et ses compagnons se levèrent à
l'aube ayant pour dessein de rentrer à Razay. Le vent soufflait en rafales,
parfois bruyant, et des lames rageuses se soulevaient avec violence. Mais Razay
était décidé à traverser le bras de mer qui le séparait de ses terres.
Il ordonna à son équipage
de se tenir prêt à appareiller. Les plus prudents et les moins courageux de sa
suite, cependant, lui conseillèrent de reporter cette traversée et d'attendre
que le temps s'améliore légèrement. Razay, avec son indomptable courage dénué de
toute forme de crainte, repoussa ce conseil et exprima sa ferme détermination à
embarquer sans délai. Dans le but probablement d'insuffler suffisamment de
courage à ses compagnons afin de tous les faire participer à son entreprise, il
les amena dans la cabine de commandement du navire où ils trouvèrent ce qui
guérit toutes les peines, l'Usquebaugh, dont quelques bouteilles suffirent à
les convaincre. Au moment où une partie des compagnons contestait encore la
fiabilité de l'aventure, une vieille femme, toute ridée, s'appuyant sur une
béquille, entra dans la
cabine. Razay, dans le feu de la discussion, lui demanda si
le passage du bras de mer dans de telles conditions, n'était pas parfaitement
faisable et exempt de tout danger. La vieille femme, sans hésitation, lui
répondit par l'affirmative, ajoutant quelques observations, se référant à leur
courage, mettant ainsi un point final à toute contestation de cette traversée.
En conséquence de quoi, tout le monde embarqua en direction de Razay. Mais,
hélas, quelles en furent les conséquences ?
Ils ne furent pas plus tôt
à la merci des vagues que les éléments semblèrent s'acharner à leur
destruction. Toute tentative pour redresser le navire s'avéra vaine.
Rapidement, le vent les mena dans la direction opposée à celle de Razay.
L'héroïque chef de clan, animé d'un courage exemplaire, faisait tout son
possible pour soutenir ses compagnons et pour dissiper le désespoir qui
commençait à s'emparer d'eux. Il prit lui-même la barre et malgré les efforts
combinés de la mer, du vent et de la foudre, il gardait solidement son cap
fixant les hauteurs d'Aird, dans Skye. Le découragement quitta bientôt son
équipage et l'espoir commençait à renaître. Quand soudain, à leur grande
stupéfaction, ils virent un gros chat qui escaladait le gréement. Ce chat fut
bientôt suivi d'autres de même taille et le dernier en avait toujours un autre
derrière lui ; les voiles, les mâts, le pont tout entier en furent totalement
recouverts. Cependant, la vue de tous ces chats, bien qu'il en connut assez
bien le vrai caractère, n'émut pas Razay jusqu'au moment où un énorme chat
noir, beaucoup plus gros que les autres et commandant en chef de toute cette
légion, fit son apparition sur la tête de mât. Razay, en l'observant, sut
immédiatement ce qui allait arriver. Il était décidé à défendre chèrement sa
vie. Il ordonna une attaque immédiate contre les chats. Elle avorta, hélas,
rapidement. Les chats passèrent tous en même temps sur le bord du navire qui
était sous le vent. Le navire se renversa et tout l'équipage fut précipité à la
mer dans cette tombe liquide. Ainsi s'acheva la glorieuse vie de Jan Garbh
Macgillichallum de Razay, aux regrets éternels du courageux clan Leod et de
tous les braves gens, et à la grande satisfaction des abominables sorcières qui
scellèrent ainsi son malheureux et lamentable sort.
La Femme du forgeron
de Yarrowfoot
Il y a quelques années, le
forgeron de Yarrowfoot employa comme apprentis, deux frères, deux solides
gaillards qui quand il les recruta débordaient de vitalité. Pourtant, après
quelques mois, le plus jeune des deux commença à s'étioler, son teint devînt
terreux, il maigrit, perdit l'appétit et montra d'autres signes d'une santé
déclinante. Son frère, très préoccupé, lui demandait souvent de quoi il
souffrait, mais en vain. A la fin, pourtant, le pauvre gars éclata en sanglots
et confessa qu'il était complètement épuisé et devrait bientôt être porté en
terre par suite des mauvais traitements que lui faisait subir la maîtresse de
maison qui en réalité était une sorcière bien que personne ne s'en doutât.
- Toutes les nuits,
sanglota-t-il, elle vient me rejoindre du côté du lit où je suis allongé, me
passe une bride magique autour de la tête et je suis métamorphosé en cheval.
Elle s'assied alors sur mon dos et me conduit à des miles d'ici sur les landes
sauvages où en compagnie de je ne sais quelles autres viles créatures, elles se
livrent à des fêtes immondes. Elle me garde là-bas toute la nuit. Au petit matin, je
la ramène à la maison et elle me retire la bride. Voilà pourquoi
je suis si épuisé et si malade. Voilà comment je passe mes nuits pendant que tu
dors tranquillement.
Tout de suite, l'aîné lui
dit que la nuit suivante, ils changeraient de place et que ce serait lui qui
irait au rendez-vous des sorcières. Le soir venu, le cadet se coucha le long du
mur. L'aîné prit sa place et demeura éveillé jusqu'à l'arrivée de la sorcière. Elle
vînt, tenant sa bride à la main, et la lui jeta sur la tête. L'aîné se
transforma en un splendide cheval de chasse. La dame grimpa sur son dos et ils
partirent pour leur lieu de rendez-vous qui ce soir-là, comme par hasard, était
la cave d'une propriété voisine.
Pendant que la femme du
forgeron et ses affreuses compagnes se gorgeaient de vin rouge et pillaient la
cave, le cheval de chasse qui avait été attaché à l'écart dans une stalle de
l'écurie, se frotta la tête contre le mur tant et si bien, qu'il réussit à
détacher la bride qui tombant à ses pieds, lui permit de retrouver son
apparence humaine. Il la ramassa et la tenant bien solidement, il alla se
dissimuler dans le fond de la stalle jusqu'à ce que sa maîtresse vienne le
chercher. Alors, en une fraction de seconde, il lui passa la bride sur la tête
et elle se retrouva transformée en une splendide jument grise. Il la monta et
se dépêcha de filer, chevauchant par les haies et les fossés. Il s'aperçut
alors qu'elle avait perdu l'un de ses sabots antérieurs. Il la conduisit au
premier maréchal-ferrant qui était ouvert ; celui-ci remplaça le fer et en mit
un neuf à l'autre patte ; puis il lui fit faire des allers et retours dans un
champ labouré jusqu'à ce qu'elle n'en puisse plus. Enfin, il la ramena chez
elle et lui enleva la bride juste à temps pour qu'elle puisse se glisser dans
son lit avant que son époux ne s'éveille et ne se lève pour aller au travail.
Le brave forgeron se leva,
très loin d'imaginer ce qui avait pu se passer durant la nuit. Son épouse lui dit
qu'elle était très souffrante, presque aux portes de la mort et qu'il devait
envoyer chercher un médecin. En conséquence, il réveilla ses apprentis. L'aîné
y alla et revînt rapidement avec un docteur qu'il avait eu la chance de
rencontrer sur sa route. Le médecin souhaita prendre le pouls de la malade,
mais elle cachait résolument sa main, refusant de la lui montrer. Le disciple
d'Esculape demeurait indécis. Le mari, énervé par l'obstination de son épouse,
arracha brutalement les draps et découvrit avec horreur qu'elle portait des
fers très solidement fixés à ses deux mains. En y regardant de plus près, il vit
aussi que ses flancs étaient meurtris, bleuis des coups de pieds que lui avait
donnés son cavalier durant leur chevauchée et la traversée du champ labouré.
Les frères alors s'avancèrent et racontèrent tout ce qui s'était passé. Le
lendemain, la sorcière fut déférée devant les juges de Selkirk et condamnée à
être brûlée vive sur un rocher près de Bullsheugh. La sentence fut rapidement
exécutée. Il faut ajouter que le jeune apprenti recouvra finalement la santé en
mangeant du beurre fabriqué à partir du lait des vaches qui broutaient l'herbe
du cimetière, un remède souverain contre la consomption due à l'ensorcellement.
Ronaldson
de Bowden
On rapporte qu'un homme,
du nom de Ronaldson, qui vivait dans le village de Bowden, était en but aux
persécutions fréquentes des sorcières de l'endroit. Parmi celles-ci, nous
trouvons la suivante. Un
jour, au moment où le soleil se levait, comme il accrochait ses bas, le pied
appuyé sur un petit banc, la sensation qu'une corde de paille lui passait entre
les jambes le fit sursauter.
Il se retrouva rapidement
au-dessus d'un petit ruisseau au pied de la colline la plus au sud d'Eildon. En
entendant un rire rauque et étouffé, il comprit qu'il était le jouet de
sorcières ou d'esprits. En atteignant le gué que l'on nomme le Brig-o'-stanes,
il sentit que son pied se posait sur une grande pierre plate.
Il s'écria alors :
- Au nom du ciel, ne
m'emmenez pas plus loin !
A ces mots, la corde se
rompit, l'air retentit du rire de milliers de voix et comme ses pieds restaient
au contact de la pierre, il entendit un cri de désappointement :
- Oh, nous avons perdu le
fou !
Le
Laird Harry
Gilles
Le laird Harry Gilles de
Littledean aimait énormément la
chasse. Un jour que ses chiens poursuivaient un lièvre, ils
s'arrêtèrent brusquement, renonçant à leur proie ; ce qui le rendit tellement
furieux qu'il jura que l'animal qui avait été pris en chasse devait être une
des sorcières de Maxton. A peine avait-il proféré ce mot que des lièvres
apparurent tout autour de lui et s'approchèrent tellement qu'ils sautaient même
par-dessus sa selle juste sous ses yeux. Aucun de ses chiens ne les prenait en
chasse.
Dans un geste de colère,
il sauta au bas de son cheval et tua sur-le-champ tous les chiens à l'exception
d'un chien noir qui à ce moment se retourna pour pourchasser le plus gros des
lièvres. Il regrimpa sur son cheval et prit la trace du chien. Il vit le chien
noir contourner le lièvre et le ramener directement sur lui.
Le lièvre fit un bond
comme pour franchir l'encolure du cheval, mais le laird avec dextérité attrapa
l'une de ses pattes de devant, sortit son couteau de chasse et la lui
sectionna. Après quoi, les lièvres qui avaient été si nombreux, disparurent
tous. Le lendemain matin, le laird Harry entendit raconter qu'une femme de
Maxton avait perdu un bras d'une façon inexplicable.
Il se rendit directement
chez elle, sortit de sa poche la patte de lièvre (qui entre temps était devenue
un avant-bras de femme) et l'appliqua sur le moignon. Il coïncidait
parfaitement. La femme confessa son crime et le jour même, elle fut jetée dans
un puits par les jeunes gens de Maxton pour fait de sorcellerie.
Les
Sorcières de Delnabo
A l'époque de ma
grand-mère, la ferme de Delnabo était équitablement divisée entre trois
métayers. Au départ, ils avaient eu des conditions de travail identiques, mais
au bout de quelques temps on remarqua que l'un des trois fermiers, qui bien que
supérieur aux deux autres par sa façon de faire et son habileté, vivait dans la
pauvreté alors que les deux autres voyaient quotidiennement leur sort
s'améliorer. Désolée et démunie devant l'infortune qui frappait sa famille face
à la prospérité de ses voisins, la femme du pauvre homme avait pris l'habitude
de se plaindre de la vie qu'elle menait non seulement à ses proches, mais aussi
aux épouses des deux autres fermiers. A l'une de ces occasions, celles-ci lui
demandèrent si elles pouvaient faire quelque chose pour elle, dans la mesure de
leurs moyens. Elle répondit qu'elle était prête à tout. Les deux femmes
pensèrent alors qu'elles avaient trouvé une complice et décidèrent de la mettre
dans la confidence.
- Ecoutez, lui dit une
des deux femmes, si vous nous promettez de garder votre langue et de suivre nos
conseils à la lettre, vous serez définitivement à l'abri de la pauvreté et du
besoin.
Ces paroles firent une
forte impression sur la pauvre femme bien qu'elle eut quelques réserves sur
leur véritable personnalité. Dissimulant ses doutes, elle promit de se plier à
toutes leurs exigences. Elles lui demandèrent au moment d'aller se coucher
d'emmener son balai, ustensile fréquemment utilisé en sorcellerie, dans sa
chambre et de le déposer dans le courant de la nuit, du côté de son mari. Il
prendrait alors si parfaitement son aspect que même son mari serait incapable
d'y voir une différence au matin. Elles écartèrent toutes ses craintes en lui
affirmant que leurs propres maris s'étaient plutôt bien accommodés de ces
admirables produits de substitution - les balais - pendant des années. Ces
détails étant réglés, elles l'invitèrent à se joindre à elles à minuit. Elles
se rendraient alors sur les lieux où son avenir plein de bonheur allait se
décider. En assurant qu'elle suivrait ces instructions, la pauvre femme prit congé
de ses voisines. Cette femme vertueuse était horrifiée devant tant de
dépravation.
De retour auprès de son
mari, elle pensa qu'elle pouvait ne pas respecter la parole donnée à des
voisines mauvaises et, en épouse dévouée et méfiante, confier à son cher mari
les détails de sa conversation. Le mari fut flatté de la confiance qu'elle lui
témoignait. Il accepta immédiatement d'être son complice en faisant preuve
d'une singulière ingéniosité. Ils convinrent qu'il revêtirait ses vêtements de
femme, et qu'ainsi accoutré, il accompagnerait les voisines au lieu de
rendez-vous. Il connaîtrait alors leurs intentions.
Il s'habilla donc en
femme, et à minuit il retrouva les deux autres à l'endroit convenu. La jeune
mariée, c'est ainsi qu'elles l'appelèrent, fut chaleureusement accueillie par
les deux Dames au Balai qui la félicitèrent pour sa bonne fortune et son
heureux avenir.
Elles lui remirent une
torche, un balai et un tamis qui faisaient déjà partie de leur équipement.
Elles suivirent les rives de l'Avon jusqu'à Craic-pol-nain. Du fait de
l'escarpement de l'endroit, elles trouvèrent en amont un passage à gué. Elles
descendirent sur Pol-nain et leur apparut ce qu'aucun mortel n'avait encore vu.
La pièce d'eau était comme couverte de flammes. Cent torches flambaient dessus
et leurs reflets semblaient incendier les bois inquiétants de Loynchork. Aucun
mortel n'avait encore entendu cris perçants et hurlements tels que ceux qui
provenaient de cette horrible assemblée se livrant à ses orgies infernales sur
Pol-nain. Ces cris, cependant, semblaient résonner mélodieusement aux oreilles
des femmes de Delnabo. Chaque hurlement leur procurait un plaisir sans borne.
En gambadant, elles partirent devant, laissant loin derrière la jeune mariée.
En réalité, il n'était nullement pressé de participer à cette fête, souhaitant
d'avantage être spectateur que participant. En se rapprochant, il comprît ce
qui se passait sur la pièce d'eau. Un grand nombre de sorcières se déplaçaient
d'avant en arrière sur leur tamis avec leur balai en guise d'aviron, en
poussant des cris de putois. Toutes tenaient leur torche dans leur main gauche.
A d'autres moments, elles se rangeaient en cercle en signe de soumission devant
un énorme chien noir et hideux perché sur un promontoire rocheux. C'était sans
aucun doute le Grand Cornu en personne, montrant très gracieusement sa
reconnaissance devant ces marques de fidélité et de dévotion en saluant, en
grimaçant et en battant des pattes. Après quelques recommandations
préliminaires à la jeune mariée, les épouses excitées lui demandèrent de rester
au bord de la pièce d'eau. Elles devaient aller discuter avec Son Excellence
Satanique au sujet de son initiation et lui demandèrent d'invoquer le nom de
leur Maître pendant qu'elles traverseraient la nappe d'eau. La jeune mariée
était résolue à suivre de façon très particulière ces instructions. Dès
qu'elles furent embarquées dans leurs tamis et furent, grâce à leurs balais
assez loin, il dit :
- En avant et que le Tout
Puissant vous protège !
L'horrible hurlement des
sorcières scella leur destin : le sortilège était rompu. Brisés les tamis !
Coulées les sorcières - pour ne jamais reparaître - en dépit des cris perçants
et des lamentations du Grand Fourchu et de toute son infernale équipe dont le
pouvoir et la puissance combinés n'avaient pu les sauver de la noyade. En un instant,
toutes les torches s'éteignirent et l'assemblée effrayée s'enfuit dans toutes
les directions, en adoptant ce qui leur semblait le mieux adapté pour battre en
retraite.
Sur le chemin du retour,
l'astucieux jeune homme s'amusait énormément de la façon intelligente avec
laquelle il avait exécuté les instructions de ses défuntes voisines. Aussitôt
rentré chez lui, il remit ses vêtements d'homme. Sans satisfaire immédiatement
la curiosité de son épouse quant au résultat de son aventure, il attela ses
bêtes et commença son labeur matinal sans rien changer à ses habitudes. Ses
deux voisins, qui ne s'étaient pas même aperçus de l'absence de leurs épouses
auxquelles les balais se substituaient si parfaitement, firent de même. Au
moment de la pause matinale, ceux-ci pourtant s'inquiétèrent un peu en
constatant que leurs femmes, ordinairement tôt levées, ne donnaient pas le
moindre signe de vie. Ils firent part de leur souci à leur voisin. Ce dernier
remarqua malicieusement qu'à son avis, elles ne se lèveraient pas aujourd'hui.
- Qu'entendez-vous par là
? lui demandèrent-ils.
- Nos femmes étaient
apparemment en bonne santé quand nous nous sommes levés.
- Allez donc les voir.
Il se remit à siffler aussi
joyeux qu'avant. Les deux hommes coururent à leur chambre et quel ne fut pas
leur stupeur en découvrant un vieux balai à la place de leur épouse. Leur
voisin leur dit alors que s'ils se rendaient à Pol-nain, en cherchant bien ils
y retrouveraient leurs tendres dulcinées. Les époux affligés se rendirent très
vite sur place et en utilisant le matériel approprié ils sortirent de l'eau
leurs défuntes épouses. On les enterra dans la plus stricte intimité. Les
embarcations et les rames brisées de ces malheureuses navigatrices,
tourbillonnant encore à la surface de l'eau, fournirent à leurs maris une
explication suffisamment claire de leur mort. Plus personne jamais ne prononça
leur nom. Il est à peine besoin d'ajouter que le pauvre homme retrouva
progressivement son opulence de jadis et qu'en peu de temps, il devînt aussi
riche qu'il avait été pauvre.
La Sorcière de Laggan
Le même jour, un autre
héros, célèbre pour sa haine de la sorcellerie, se réchauffait dans son abri de
chasse, en forêt de Gaick, dans le Badenoch. Ses fidèles chiens, fatigués par
la chasse du matin, étaient étendus sur l'herbe près de lui et son arme qui ne
manquait jamais son but, le skian dhu à la pointe acérée pendait à son côté :
c'était là toute sa compagnie. Comme le chasseur écoutait les hurlements de la
tempête et ses sifflements proches, un pauvre chat ayant apparemment souffert
des intempéries, tremblant de froid et trempé jusqu'aux os, entra par la porte.
En le voyant, les poils
des chiens se hérissèrent. Ils se mirent immédiatement sur leurs pattes pour
attaquer le pitoyable chat qui se tenait tremblant à la porte.
- Grand chasseur des
collines, s'écria le misérable chat tout tremblotant, je demande votre
protection. Je connais la haine que vous portez à l'encontre de ma ruse et
peut-être avez-vous raison. Epargnez encore, oh épargnez un pauvre malheureux
jaded, qui vole ainsi vers vous pour vous réclamer protection contre la cruauté
et l'oppression de ses sœurs.
Pris de compassion devant
ce discours éloquent et ne souhaitant pas tirer avantage de cette situation
apparemment désespérée dans laquelle se trouvait son pire ennemi, il rappela
ses chiens hargneux et l'invita à le rejoindre près du feu pour se réchauffer.
- Non, répondit le chat,
vous devez d'abord s'il vous plaît, attacher ces deux furieux avec cette longue
tresse de cheveux car je crains bien qu'ils ne mettent mes pauvres jambons en
morceaux. Je vous prierais, donc, mon cher monsieur, d'avoir l'obligeance de
les attacher ensemble par le cou avec ces cheveux longs.
L'aspect curieux de ces
cheveux incita le chasseur à la
méfiance. Au lieu de les utiliser pour attacher ses chiens,
il fit semblant et les jeta vers une poutre de bois. La sorcière alors, croyant
que les chiens étaient solidement entravés, s'approcha du feu et s'accroupit
comme pour se sécher. Elle était assise depuis quelques minutes seulement quand
le chasseur remarqua que sa taille augmentait de façon saisissante. Il ne put
s'abstenir de lui en faire la remarque avec humour.
- Mauvais signe, méchante
bête, vous grandissez beaucoup.
- Eh ! Eh ! répondit le
chat sur le même ton, quand mon pelage se réchauffe, je gonfle naturellement !
Ces plaisanteries,
cependant, n'étaient que le prélude d'une conversation plus sérieuse. Le chat,
continuait à grossir et avait maintenant atteint une taille absolument
extraordinaire. En un clin d'œil, il prit l'apparence de la guérisseuse de
Laggan et s'adressa ainsi à lui :
- Chasseur des collines,
votre dernière heure est arrivée. Regardez-moi bien. Je suis la représentante
de mes dévouées consœurs dont Macgillichallum de Razay et vous-mêmes avez
toujours été les ennemis les plus implacables. Mais Razay n'est plus. Il a
rendu son dernier souffle. Ce n'est plus maintenant qu'un cadavre au fond de l'océan.
Et c'est votre tour, Chasseur des collines.
A ces mots, ayant pris un
aspect abominable, elle fit un bond en direction du chasseur. Les deux chiens,
qu'elle croyait solidement attachés avec les cheveux infernaux, se
précipitèrent et bondirent sur elle à leur tour. Un combat furieux s'ensuivit.
La sorcière, qui ne s'attendait pas à cette attaque inopinée des chiens,
commença à se repentir de sa témérité.
- Cheveux, tenez-les !
Retenez-les bien, hurlait-elle en croyant que les chiens avaient été attachés
avec la tresse de cheveux.
A force de le crier,
obéissant à cet ordre, les cheveux finirent par serrer si fort qu'ils brisèrent
la poutre en deux. Alors, la sorcière se retrouvant entièrement à la merci des
chiens, tenta une retraite. Mais les chiens ne lâchaient pas prise et lui
mordaient si cruellement la poitrine, qu'elle ne pouvait plus s'en défaire. En
poussant des cris perçants et des hurlements, la sorcière de Laggan réussit à
franchir la porte, traînant après elle les chiens, si étroitement accrochés
qu'ils ne desserrèrent leur prise que lorsqu'elle leur eut brisé toutes les
dents. Elle se métamorphosa alors en corbeau et s'envola par dessus les
montagnes en direction de sa maison. Les deux chiens fidèles, épuisés et en
charpie, rentrèrent auprès de leur maître. Quand il voulut les caresser, ils
s'écroulèrent à ses pieds et moururent. En déplorant leur perte, sa douleur
étant identique à celle de parents pleurant sur la dépouille de leur enfant, il
enterra ses dévoués compagnons. Puis il regagna son foyer. Son épouse n'était
pas là quand il rentra, mais elle revînt bientôt.
- Où êtes-vous allée, mon
amour ? demanda-t-il.
- Je suis allée rendre
visite à la guérisseuse de Laggan, qui vient de tomber si malade qu'on craint
qu'elle n'ait plus beaucoup de temps à vivre.
- Eh ! Eh ! dit-il, qu'a
donc cette digne femme
- Elle a passé toute la
journée dans la mousse de ses tourbières et a été brusquement prise d'une
colique soudaine, sans doute parce qu'elle avait les pieds trempés. Maintenant
tous ses amis et tous ses voisins s'attendent à son départ.
- La pauvre femme ! Je
suis désolé pour elle. Préparez-moi à dîner. Il serait juste que je me rende
également à son chevet.
Ayant terminé on repas, le
chasseur se rendit immédiatement à la maison de Laggan, dans laquelle il trouva
un grand rassemblement de voisins qui pleuraient très sincèrement la mort
annoncée d'une femme qui jusqu'alors avait toujours été considérée comme
vertueuse. Le chasseur, bouillant de rage, s'approcha du lit de la malade et
dans un geste de colère arracha draps et couvertures qui couvraient la femme. Le cri perçant de
la sorcière, maintenant découverte, alerta l'assemblée qui se précipita dans la
chambre.
- Contemplez l'objet de
votre sollicitude, dit-il. Ce n'est rien d'autre qu'une sorcière infernale.
Aujourd'hui, elle m'a appris qu'elle était présente lors de la mort du Laird de
Razay, et il y a quelques heures seulement, elle a tenté de m'en faire partager
le sort. Cette nuit, elle a payé pour tous les crimes de son horrible vie.
Il raconta alors tous les
détails de l'agression dont il avait été victime et qui étaient trop bien
corroborés par les blessures significatives qu'elle portait sur le corps.
L'assemblée toute entière fut bientôt parfaitement convaincue de sa culpabilité.
Le châtiment habituel était sur le point de lui être infligé lorsque la
malheureuse prit la parole :
- Mes amis qui êtes venus
assister à mon agonie, épargnez à une vieille connaissance déjà aux portes de
la mort, tout autre supplice dégradant. Mes crimes et ma folie m'apparaissent
maintenant sous leur véritable jour, tandis que mon vil et perfide séducteur,
l'ennemi de vos intérêts temporels et spirituels, rit de moi et de ma détresse.
Comme récompense pour avoir si fidèlement servi ses intérêts, en séduisant tout
ce qui était aimable et en détruisant tout ce qui était bon, il condamne
maintenant mon âme aux tourments éternels. Que mon exemple serve à tous.
Eloignez-vous de la roche fatale sur laquelle je me suis dédoublée. Pour vous
inciter à vous conformer à ce que je viens de vous dire, et pour expier mes
fautes extrêmes, je vais vous raconter la terrible histoire de ma vie.
Alors la guérisseuse de
Laggan raconta en long et en large la façon dont le Mauvais l'avait séduite
afin qu'elle entre à son service et tous les faits criminels auxquels elle
avait participé. Elle termina en leur racontant la mort de Macgillichallum de
Razay et son agression contre le chasseur. Puis elle expira.
Un voisin de la
guérisseuse revenait de Strathdearn où il avait dû se rendre pour affaires, et
rentrait à la nuit tombée chez lui. Il venait de pénétrer dans la sombre forêt
de Monalea, dans la région de Badenoch, quand il croisa une femme vêtue de noir
qui marchait très vite. Elle lui demanda, sans chercher à dissimuler son
agitation, à quelle distance elle se trouvait du cimetière de Dalarossie et
s'il pensait qu'elle pourrait l'atteindre avant minuit. Le voyageur lui dit que
c'était possible si elle continuait à marcher à cette allure. Elle repartit
alors en pressant le pas, avec des lamentations de découragement. Le voyageur
continua la sienne vers Badenoch. Il n'avait pas marché bien longtemps quand il
croisa un grand chien noir qui se déplaçait très rapidement comme s'il avait
suivi une piste ou flairé des empreintes de pas. Puis un peu plus loin, il en
vit un second qui procédait comme le premier. Le second chien venait à peine de
passer quand il vit un robuste cavalier noir monté sur un magnifique coursier
noir qui suivait la même piste que les chiens.
- Dites-moi, dit le
cavalier au voyageur. Avez-vous croisé une femme sur la colline ?
Le voyageur répondit
affirmativement.
- Avez-vous vu un chien
peu de temps après ? insista le cavalier.
Le voyageur lui dit que
oui.
- Et, ajouta le cavalier,
croyez-vous que le chien la rattrapera avant qu'elle ait atteint l'église de
Dalarossie?
- En tout cas, il était
sur ses talons.
Chacun poursuivit alors de
son côté. Mais avant que le voyageur soit arrivé en vue de Glenbanchar, le
cavalier le rattrapa. La femme était étendue en travers de sa selle, l'un des
chiens lui fourrageant la poitrine tandis que l'autre était suspendu à sa
cuisse.
- Où l'avez-vous
rattrapée ? s'enquit le voyageur.
- Juste au moment où elle
entrait dans le cimetière de Dalarossie.
Telle fut la réponse. Quand le
voyageur fut rentré chez lui, on lui rapporta l'histoire de la malheureuse
guérisseuse. Il eut ainsi l'explication des diverses rencontres qu'il avait
faites en chemin. Il avait sans aucun doute, croisé l'âme de la guérisseuse de
Laggan s'enfuyant devant les esprits infernaux auxquels elle s'était vendue
pour chercher protection dans le cimetière de Dalarossie, endroit si sacré
qu'une sorcière est immédiatement libérée de tous ses liens avec Satan si morte
ou vive, elle y vient en pèlerinage. Mais il semble que la malheureuse épouse
de Laggan y soit parvenue quelques instants trop tard.
Le
meunier de Holdean
Un jour que le meunier de
Holdean, dans le Berwickshire, était en train de réduire une mouture d'avoine,
appartenant à un fermier voisin, après une dure journée de travail, il se
sentit fatigué. Il s'allongea sur un tas de paille et s'endormit rapidement.
Quelques temps après, il fut réveillé par un bruit confus, comme si le
killogee, l'espace vide devant la cheminée du four, était rempli de personnes
parlant toutes ensemble.
Il écarta la paille des
bords du four et regarda en bas. Il put voir un grand nombre de pieds et de
jambes pataugeant dans les cendres, comme si leurs propriétaires appréciaient
la chaleur du feu à peine éteint. Il tendit l'oreille et put distinctement
entendre :
- Que penses-tu de mes
petons ?
Ce à quoi une autre voix
répondit :
- Et que penses-tu des
miens ?
Nullement intimidé, bien
que très surpris, le meunier au cœur vaillant attrapa son beer mell, un grand
marteau en bois, et le balança au milieu de ses visiteurs. Les cendres se
mirent à voler partout. Le meunier prit une grosse voix pour crier :
- Que pensez-vous de mon
gros marteau dans vos jambes ?
Une affreuse débâcle eut
immédiatement lieu au sortir du four accompagnée de hurlements et de cris qui
se transformèrent en rire sauvage. Finalement, aux oreilles du meunier
parvinrent ces mots chantés sur un ton moqueur :
Montez
et volez devant la tour de Rhymer
Ha,
ha, ha, ha!
L'astucieux
meunier nous a roulés dans la farine
Sinon
nous lui aurions porté la poisse
Durant
les sept ans à venir
Et
aurions fait couler de l'eau impure
Pendant
que le meunier dormait.
L'
épouse du fermier
de Deloraine
La sorcellerie n'est pas
aussi flagrante dans cette histoire, mais nous ne serons pas très loin de la
vérité en prétendant qu'elle est largement sous-entendue. Nous commencerons en
rappelant qu'il était dans l'usage - et peut-être est-ce encore le cas
aujourd'hui - dans les Lowlands d'Ecosse, comme dans d'autres régions isolées,
pour les tailleurs de quitter leurs ateliers pour la journée pour aller
travailler dans les fermes des alentours. L'épouse du fermier de Deloraine
engagea ainsi, pour la journée, un tailleur, ses ouvriers et ses apprentis, les
priant de venir tôt le matin. Ils vinrent donc suffisamment tôt pour partager
le petit déjeuner de la famille qui se composait de porridge et de lait.
Pendant le repas, l'un des apprentis fit remarquer que la cruche de lait était
presque vide. A la suite de quoi, la maîtresse de maison se glissa dehors par
la porte de derrière avec un seau à la main pour aller en rechercher. La
curiosité du garçon fut piquée au vif car il avait entendu qu'il n'y avait plus
une goutte de lait dans la maison ; aussi il la suivit en tapinois, se cacha
derrière la porte et la vit tourner une goupille dans le mur, d'où il se mit à
couler un ruisseau de vrai lait dans le seau. Elle fit à nouveau tourner la
goupille et le lait s'arrêta de couler. Une fois revenue, elle resservit un bol
de lait aux tailleurs et ils trempèrent avec plaisir le reste de leur porridge
dedans.
Vers midi, pendant que nos
tailleurs étaient activement occupés avec la garde-robe du fermier, l'un d'eux
se plaignit d'avoir soif et demanda un bol du lait qu'il avait eu le matin.
- S'il n'y a que ça, je
te l'apporte ! dit l'apprenti.
La maîtresse de maison
n'étant pas là, il abandonna son travail, emprunta le même chemin que le matin,
tourna la goupille et remplit rapidement un seau. Mais hélas, rien à faire pour
arrêter le ruisseau de lait qui n'en finissait plus de couler. Il pouvait
tourner la goupille tant qu'il voulait, rien n'y faisait. Il appela les autres
garçons à son secours. Mais ils ne purent apporter que les bacs et les seaux
qu'ils avaient trouvé dans la cuisine et qui furent vite pleins. Quand la
confusion fut à son comble, la maîtresse de maison fit irruption au milieu des
garçons penauds. Elle était furibonde et leur dit ironiquement :
- Espèce d'imbéciles !
Vous venez de tirer le lait de toutes les vaches qui paissent entre ici et
Yarrow. Aujourd'hui, pas une seule vache de ce secteur ne donnera la moindre
goutte de lait à son propriétaire et il risque de mourir de faim !
Les tailleurs prirent
leurs cliques et leurs claques honteux, et à partir de ce jour-là, les femmes
de Deloraine ne servirent plus à leurs tailleurs autre chose que des chappit
'taties et du chou frisé.
La toile volée
Il y a quelques temps, je
me rendis chez un de mes paroissiens les plus âgés, un ancien maître du métier
à tisser, qui en vînt à me parler de son époque. Parmi d'autres sujets, il me
raconta la disparition, quelques années plus tôt, d'une toile de lin qui avait
été mise à blanchir, un soir d'été, au bord de la rivière au pied de la glèbe
(glebe). Les pêcheurs, ce soir-là, brûlaient l'eau du Skerry : ils pêchaient le
saumon en le harponnant à la lumière de leurs torches. L'homme qui avait la
garde de la toile s'en alla voir les saumons harponnés et quand il revînt celle-ci
s'était envolée. Naturellement, cette nouvelle fit sensation. L'histoire fut
bientôt le sujet de conversation de toute la communauté et les soupçons se
portèrent sur bon nombre de personnes car il y avait des mètres de toile de
lin.
La toile appartenait à un
personnage très important, rien moins que la howdie, la vieille sage-femme du
village, qui n'était pas disposée à renoncer si facilement à son bien. Elle fit
appel à un guérisseur de Leitholm, et le jour suivant confia à son ami le
tisserand, mon informateur, que le voleur serait confondu, parce que le
guérisseur allait tourner la
clef. Le tisserand était impatient d'assister à quelque
diablerie. La howdie introduisit le guérisseur chez elle et la porte fut fermée
à clé sur les quatre personnes présentes. Le guérisseur procéda ainsi : il prit
une petite clef et l'attacha à une ficelle qu'il noua dans la bible de famille
à un endroit particulier, la clef pendant à l'extérieur. Puis il lut deux
chapitres de cette bible, dont l'un était l'histoire de Saul et de la sorcière
d'Endor. Il demanda alors à la sage-femme et à l'un des hommes de l'assistance
de maintenir la clé avec l'extrémité de leurs index, et en restant dans cette
position d'énumérer tous les noms des suspects.
Beaucoup de noms défilèrent.
La clef restait entre leurs doigts, quand soudain le guérisseur s'écria :
- Pourquoi ne citez-vous
pas Jock Wilson ?
Ils le nommèrent aussitôt
et immédiatement la clef tomba ou plutôt s'échappa de l'extrémité de leurs
doigts. La nouvelle se répandit qu'on avait découvert le voleur grâce à la clef
qui avait été tournée et que c'était Jock Wilson ! Ce dernier prétendit
cependant qu'il n'était pas homme à accepter de telles insinuations, qu'il
était sans aucun doute un homme honnête. Il déclara :
- Il n'est pas dit que le
diable fera de moi un voleur.
Il se rendit donc chez un
homme de loi, et après des discussions à n'en plus finir, on cessa de débattre
sur le sujet et Jock Wilson fut innocenté. Mais la plupart des gens, conclut le
tisserand, prétendirent que l'homme de loi avait été suborné : "Car il
aimait l'argent".