Le Bestiaire médiéval
En littérature, un bestiaire
désigne un manuscrit du Moyen Âge regroupant des fables et des moralités sur
les « bêtes », animaux réels ou imaginaires. Par extension, on appelle
bestiaire une œuvre consacrée aux bêtes. Par métonymie, le bestiaire d'un
auteur ou d'un ensemble d'œuvre désigne les animaux mentionnés par l'auteur ou
dans ces œuvres.
Les bestiaires médiévaux
connurent leur plus grande popularité en Angleterre et en France aux XIIe et
XIIIe siècles. Il s'agissait de compilations de multiples sources, en
particulier le Physiologus ou Physiologos, que l'on date généralement du IIe
siècle, l’Histoire naturelle de Pline l'Ancien et les Étymologies d'Isidore de
Séville, du début du VIIe siècle. Ces œuvres reflétaient la conviction que le
monde est le livre dans lequel Dieu a écrit, et que tout pouvait trouver une
explication et des correspondances. Les animaux étaient ainsi mis en relation
avec Dieu et le Christ. La plupart de ces manuscrits étaient illustrés de
miniatures.
Origines
Le Physiologos, qualifié de «
bestiaire des bestiaires », est un recueil de brefs récits vraisemblablement
rédigé en Égypte probablement dans la région d'Alexandrie. Le manuscrit
original n'est pas parvenu jusqu'à nous, mais les citations de cet ouvrage permettent
de le dater entre le IIe siècle et le IVe siècle. On pense que le manuscrit a
été traduit dès le IVe siècle, les plus anciens manuscrits en latin remontent
au IXe siècle.
Concernant les oiseaux, des
éléments de De avibus de Hugues de Fouilloy sont intégrés à certains bestiaires
anglais.
Bestiaires médiévaux
Selon une classification
introduite en 1928 par M. R. James et revue en 1960 par Florence McCulloch, on
peut classer les bestiaires en latin en familles.
La première famille est elle-même
divisée en trois groupes :
ͽ
le groupe B-Is de la première famille est constitué de
manuscrits issus de la version B du Physiologos et d'extraits du chapitre XII
des Étymologies d'Isidore de Séville (à l'exception de sept chapitres). Cette
version du bestiaire en latin a servi de base à des manuscrits postérieurs en
latin ou en langue vernaculaire,
ͽ
le groupe H de la première famille est constitué de
manuscrits comportant 37 chapitres, basés sur la version B-Isidore du
Physiologos,
ͽ
le groupe de transition de la première famille est
constitué de manuscrits intermédiaires entre la première et la deuxième
famille. Ces ouvrages introduisent une classification des animaux (mammifères,
oiseaux, serpents, insectes, poissons), ils comportent également beaucoup plus
de chapitres avec des illustrations de bonne qualité.
La deuxième famille est la plus
nombreuse. Les manuscrits sont basés sur la version B-Isidore du Physiologos,
avec des extraits des Étymologies d'Isidore de Séville, mais aussi de Solin, de
l'Hexaemeron de Saint Ambroise ou encore de Raban Maur. La plupart de ces
manuscrits datent du XIIIe siècle (par exemple le Bestiaire d'Aberdeen).
La troisième famille de
manuscrits latins est constituée de manuscrits du XIIIe siècle.
La quatrième famille est
constituée d'un seul manuscrit : Cambridge, University Library MS. Gg.6.5.
La famille des bestiaires Dicta
Chrysostomi est constituée de bestiaires qui furent attribués à Jean
Chrysostome et furent principalement produits en Allemagne.
Le premier bestiaire en français
est l'œuvre de Philippe de Thaon. C'est un ouvrage en vers rédigé en dialecte
anglo-normand qui comporte 38 chapitres. Probablement issu d'un bestiaire latin
affilié au Physiologos B-Isidore, il est composé après 1121. On n'en connait
que trois exemplaires dont deux illustrés. Composé vers 1210 ou 1211, le
Bestiaire divin de Guillaume le Clerc est le bestiaire français le plus long,
également basé sur un bestiaire latin affilié au Physiologos B-Isidore. Le
Bestiaire de Gervaise, manuscrit unique, se dit être de la filiation des
bestiaires Dicta Chysostomi et le bestiaire de Pierre de Beauvais existe en
deux versions. On trouve des bestiaires dans d'autres langues : anglais,
italien, catalan.
À partir du XIIIe siècle, la
description des animaux se fait plus scientifique. Ainsi l'encyclopédie de
Barthélemy l'Anglais ne comporte pas les allégories des bréviaires.
Le Bestiaire d'Amour de Richard
de Fournival se démarque notablement des bestiaires médiévaux par
l'introduction d'une intrigue amoureuse.
Moyen Âge et animaux
Les animaux sont classés au Moyen
Âge en cinq catégories :
ͽ
quadrupèdes (incluant des animaux fantastiques comme la
licorne, le manticore, le pard (en)),
ͽ
oiseaux (dont le caladre, le phénix ou le griffon),
ͽ
poissons (baleines, dauphins, évêque de mer, sirènes),
ͽ
serpents (incluant les dragons),
ͽ
« vers » (insectes, petits rongeurs, mollusques).
Ils comportent, outre les animaux
domestiques et les animaux sauvages, des animaux fantastiques. Les bestiaires
sont des traités moralisés sur les propriétés des animaux.
Quelques bestiaires célèbres
Physiologus
Le Physiologos (en latin :
Physiologus et en français Physiologue), est un bestiaire chrétien du IIe ou
IVe siècle après J.-C. qui a eu une influence considérable au Moyen Âge.
Ce bestiaire, traité d'histoire
naturelle sur les propriétés des bêtes, des oiseaux, des plantes et des
pierres, donne aussi des interprétations moralisatrices de ces sujets ; en
général, ces moralisations sont bien plus développées que les descriptions
comportementales qui les précèdent.
De nombreuses espèces sont
représentées :
ͽ
animaux réels : singe, pélican, éléphant, chameau,
crocodile, (souvent assez fantaisistes), lion, cerf, ours, aigle, paon, ibis,
chouette...
ͽ
animaux imaginaires composites : griffon (corps de lion
et tête d'aigle), aspic (petit dragon), aspic-tortue, onocentaure, basilic
(queue de serpent et corps de coq), phénix, licorne, sirène-oiseau ou
sirène-poisson...
ͽ
toute une anthropologie monstrueuse : cynocéphale
(homme à tête de chien), sciapode (homme à une seule jambe et s'abritant
dessous)...
Le physiologos initialement écrit
en grec a été traduit dans de nombreuses langues. Les plus anciens manuscrits
grecs connus sont seulement du Xe siècle, et la datation du manuscrit original
est délicate. La méthode d'exégèse biblique qu'il utilise remonte à l'école du
chrétien Clément d'Alexandrie (qui suit le juif Philon d'Alexandrie dans la
seconde moitié IIe siècle). Les plus anciennes mentions certaines du texte
datent du IVe siècle dans l'Hexaéméron d'Ambroise de Milan, le pseudo-Eustathe
d'Antioche et Rufin d'Aquilée.
Bestiaire d'Aberdeen
Le Bestiaire d'Aberdeen
(Université d'Aberdeen MS 24) est un bestiaire du XIIe siècle qui a été
répertorié pour la première fois en 1542 dans l'inventaire de la Old Royal Library du
palais de Westminster.
Les informations sur son origine
et son commanditaire sont indirectes. Le manuscrit a été rédigé et enluminé aux
alentours de 1200 et a appartenu à un commanditaire ecclésiastique du nord ou
sud de la province. Le Bestiaire d'Aberdeen est lié à tous les bestiaires du
Moyen Âge et plus spécialement au Bestiaire d'Ashmole. Certains soutiennent
aussi que le Bestiaire d'Aberdeen serait le plus ancien des deux.
Structure du bestiaire
ͽ
Les folios 1 à 5 représentent la création du monde.
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Les folios 7 à 18 recto détaillent les bêtes sauvages
(bestiae).
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Les folios 20 verso à 23 recto traitent du bétail
(pecora).
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Les folios 23 verso à 24 verso dépeignent les petits
animaux (minuta animala).
ͽ
Les folios 25 recto à 63 recto sont consacrés aux
oiseaux (aves), terme à comprendre au sens large, puisqu'y sont incluses la
chauve-souris (51 recto) et l'abeille (63 recto).
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Les folios 64 verso à 71 recto énumèrent les serpents
et les reptiles (serpentes).
ͽ
Le folio 72 recto décrit les vers (vermes).
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Les folios 72 recto à 74 recto détaillent les poissons
(pisces).
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Les folios 77 verso à 80 verso décrivent les arbres et
les plantes (arbories).
ͽ
Les folios 80 verso à 91 recto traitent de la nature de
l'être humain (natura hominis).
ͽ
Les folios 93 recto à 100 verso, enfin, sont consacrés
aux pierres et aux minéraux (lapides).