Les buts de l’Alchimie
L'Alchimie s'est donné des buts
distincts, qui parfois coexistent. Le but le plus emblématique de l'Alchimie
est la fabrication de la pierre philosophale, ou « grand œuvre », censée être
capable de transmuter les métaux vils en or, ou en argent. D'autres buts de
l'Alchimie sont essentiellement thérapeutiques, la recherche de l'élixir
d'immortalité et de la Panacée (médecine universelle), et expliquent
l'importance de la médecine arabe dans le développement de l'alchimie. Derrière
des textes hermétiques constitués de symboles cachant leur sens au profane,
certains alchimistes s'intéressaient plutôt à la transmutation de l'âme,
c'est-à-dire à l'éveil spirituel. On parle alors de « l'Alchimie
mystique ». Plus radical encore, l'Ars Magna, une autre branche de
l'alchimie, a pour objet la transmutation de l'alchimiste lui-même en une sorte
de surhomme au pouvoir quasi-illimité. Un autre but de l'alchimie, est la
création d'un homme artificiel de petite taille, l'homoncule.
L'alchimiste oppose ou rend
complémentaires Alchimie pratique et Alchimie spéculative. Roger Bacon, en
1270, dans son Opus tertium, 12,
distinguait ces deux types-ci d'Alchimie :
« [Il y a] l'Alchimie spéculative, qui traite de tout ce qui est
inanimé et de toute génération à partir des Éléments. Il y a aussi l'Alchimie
opérative et pratique, qui enseigne à fabriquer les métaux nobles, les couleurs
et beaucoup d'autres choses par l'Art, mieux ou plus abondamment que ne les
produit la nature. » Une Alchimie purement spéculative, sans
manipulations, n'apparaît que vers 1565, avec Gérard Dorn.
But métallique : le Grand Œuvre et la
transmutation
Le Grand Œuvre avait pour but
d'obtenir la pierre philosophale. L'Alchimie était censée opérer sur une
Materia prima, Première Matière, de façon à obtenir la pierre philosophale
capable de réaliser la « projection », c'est-à-dire la transformation
des métaux vils en or. Les alchimistes ont développé deux méthodes pour tenter
d'obtenir la pierre philosophale: la voie sèche et la voie humide. De façon
classique la recherche de la pierre philosophale se faisait par la voie dite
voie humide, celle-ci est par exemple présentée par Zosime de Panopolis dès
300. La voie sèche est beaucoup plus récente et a peut-être été inventée par
Basile Valentin, vers 1600. En 1718, Jean-Conrad Barchusen, professeur de
chimie à Leyde, dans son Elementa
chemicae, développe cette voie. Selon Jacques Sadoul la voie sèche est la
voie des hautes températures, difficile, tandis que la voie humide est la voie
longue (trois ans), mais elle est moins dangereuse. Fulcanelli dit à ce propos « À l’inverse de la voie humide, dont les
ustensiles de verre permettent le contrôle facile et l’observation juste, la
voie sèche ne peut éclairer l’opérateur ».
Les phases classiques du travail
alchimique sont au nombre de trois. Elles sont distinguées par la couleur que
prend la matière au fur et à mesure. Elles correspondent aussi aux types de
manipulation chimique : œuvre au noir calcination, œuvre au blanc lessivage et
réduction, œuvre au rouge pour obtenir l'incandescence. On trouve ces phases
dès Zosime de Panopolis. La phase blanche est parfois divisée en phase blanche
lessivage et phase jaune réduction par certains auteurs alchimistes, qui
admettent ainsi quatre phases (noir, blanc, jaune, rouge) pour l'ensemble au
lieu de trois (noir, blanc, rouge).
But médical : la médecine universelle et
l'élixir de longue vie
Les Arabes sont les premiers à
donner à la pierre philosophale des vertus médicinales et c'est par leur
intermédiaire que le concept d'élixir est arrivé en Occident. Roger Bacon veut
« prolonger la vie humaine ». La quête alchimique, de métallique aux
origines, devient médicale au milieu du XIVe siècle, avec le Pseudo-Arnaud de
Villeneuve et Petrus Bonus. La notion de « médecine universelle »
pour les pierres comme pour la santé vient du Testamentum du Pseudo-Lulle (1332). Johannes de Rupescissa (Jean de
Roquetaillade) ajouta, vers 1352, la notion de quintessence, préparée à partir
de l’aqua ardens (alcool), distillée des milliers de fois ; il décrit
l'extraction de la quintessence à partir du vin et explique que, conjointe à
l'or, celle-ci conserve la vie et restaure la santé. Paracelse,
en 1533, dans le Liber Paragranum, va
encore plus loin, en rejetant la transmutation comme but de l'alchimie, pour ne
garder que les aspects thérapeutiques. Il a résumé ainsi sa pensée : « Beaucoup ont dit que l’objectif de
l'Alchimie était la fabrication de l’or et de l’argent. Pour moi, le but est
tout autre, il consiste à rechercher la vertu et le pouvoir qui réside
peut-être dans les médicaments. » En un sens Paracelse fait donc de
l'iatrochimie (médecine hermétique), plutôt que de l'Alchimie proprement dite.
Dès lors apparaît une opposition entre deux usages de la pierre philosophale,
la production de l’or (chrysopée) ou la guérison des maladies (panacée). La
iatrochimie (ou médecine hermétique) a eu « pour
principal représentant François de Le Boë (Sylvius) et consistait à expliquer
tous les actes vitaux, en santé ou en maladie, par des opérations chimiques :
fermentation, distillation, volatilisation, alcalinités, effervescences. »
L'Alchimie médicale a été étudiée par Alexander von Bernus.
La légende veut que l'alchimiste
Nicolas Flamel ait découvert l'élixir de jeunesse et l'ait utilisé sur lui-même
et son épouse Pernelle. De même la légende du comte de Saint-Germain marqua
l'alchimie, il aurait eu le souvenir de ses vies antérieures et une sagesse
correspondante, ou aurait disposé d'un élixir de longue vie lui ayant donné une
vie longue de deux à quatre mille ans selon lui.
Aujourd'hui plusieurs
laboratoires pharmaceutiques (Pekana, Phylak, Weleda…), revendiquant les
remèdes spagyriques de Paracelse, de Rudolf Steiner, d'Alexander von Bernus, de
Carl-Friedrich Zimpel, poursuivent cette tradition alchimique médicale.
But métaphysique : ontologie de l'énergie et
éthique du travail
L'alchimiste se présente comme un
philosophe. Il prétend connaître non seulement les métaux, mais aussi les
principes de la matière, le lien entre matière et esprit, les lois de
transformation… Son ontologie repose sur la notion d'énergie, une énergie
contradictoire, dynamique, une, unique, en métamorphoses. Il tire aussi une
morale de ses travaux, l'éloge du travail et de la prière : « Prie et travaille (Ora et labora) »
(Khunrath). Il avance une grande méthode : l'analogie (« Tout ce qui est
en bas est comme ce qui est en haut »). Sa notion-clef est celle
d'origine, de retour, ou - comme le dit Pierre A. Riffard - de « réversion ».
L'alchimiste veut retourner à la matière première, rétablir les vertus
primitives des choses, rendre pur et sain toute créature : faire nature,
pourrait-on dire.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alchimie