Le procès des Benandanti
Un benandante (celui qui va pour
le bien) était un membre d'un culte agraire de la fertilité, dans la région du
Frioul en Italie du Nord, pendant la Renaissance. Entre
1575 et 1675, les Benandanti furent accusés d'hérésie par l'Inquisition Romaine.
Les Benandanti affirmaient voyager en esprit pendant leur sommeil afin de
lutter contre les mauvais sorciers dans le but de protéger les récoltes de la
saison à venir.
Hommes ou femmes, les Benandanti
se définissaient comme un petit groupe d'anti-sorciers qui assurait la
protection des villageois et de leurs récoltes. On devenait benandante de
naissance : seulement les enfants nés coiffés, c'est-à-dire dont la poche
amniotique couvrait le visage à la naissance, étaient destinés à rejoindre les
rangs des Benandanti.
Les Benandanti affirmaient que
leur esprit quittait leur corps durant les nuits des jeudis des Quatre-Temps,
parfois sous une forme animale. Les hommes se rendaient dans les champs où ils
combattaient les malandanti (les mauvais sorciers). Ils étaient armés de tiges
de fenouil, alors que les malandanti étaient armés de tiges de sorgho. Si les
benandanti étaient victorieux, les récoltes seraient fructueuses.
Les femmes benandanti avaient une
autre tâche. Lorsqu'elles quittaient leur corps endormi, elles se rendaient à
la suite d'une entité féminine connue sous différents noms (Abonde, la Dame du Bon Jeu, la Bonne Dame, etc.) où
elles dansaient, mangeaient et buvaient en compagnie d'une procession
d'esprits, d'animaux ou de fées. Elles apprenaient qui des villageois, mourrait
cette année.
Entre 1575 et 1675, la Sainte Inquisition
mit en procès les Benandanti. Les inquisiteurs furent surpris par ces histoires
où de présumés bons sorciers luttaient en rêve contre de mauvais et tentèrent
de les accorder au stéréotype du sabbat. Les Benandanti se défendirent en
tentant d'établir une distinction entre leurs actions et celles des sorciers,
soutenant qu'ils combattaient les sorciers au nom de la foi du Christ, étant
les seuls à pouvoir protéger les populations et leurs récoltes contre leurs
méfaits. Ils nièrent utiliser les mêmes méthodes que les sorciers car ils ne
s'enduisaient pas d'onguents pour voyager en esprit.
Pour éviter la persécution, les
Benandanti se mirent à accuser d'autres villageois de sorcellerie. Cela se
montra futile et desservit leur réputation au sein des villages. Enfin, les
inquisiteurs persuadèrent les Benandanti que leurs actions étaient idolâtres et
qu'ils étaient eux-mêmes les sorciers. Aussi, vers le XVIIe siècle, le mouvement
avait complètement disparu. Aucun procès ne donna lieu à une exécution
toutefois.
Source : Wikipedia
Le procès de Nogaredo
Le procès de Nogaredo eut lieu en
1646-1647 à Giare située dans l'actuelle province autonome de Trente, dans le
nord-est de l'Italie. Il mena à la mort de 8 et 10 personnes.
Le 26 octobre 1646, Maria
Salvatori de Castelnovo, surnommé " la Mercuria," fut arrêtée et accusée d’être une
sorcière. Maria Salvatori avait longtemps été soupçonnée de sorcellerie. Elle
fut accusée de ne pas avoir avalé l'hostie aux communions, mais de les
préserver pour une utilisation en
sorcellerie. Elle fut aussi accusée d'avoir causé l’avortement que subit la Marquise Bevilacqua
par utilisation de charmes. Sous la torture, elle désigna la veuve Domenica
Camelli et la fille de celle-ci, Lucia Caveden, comme des sorcières. Maria
Salvatori prétendit qu'elle avait donné une hostie à Lucia Caveden, qui
l’utilisa pour jeter un sort sur la Marquise Bevilacqua.
Elle nomma un certain Delaito Cavaleri comme nécromancien et admirateur de
Satan.
Le procès s’ouvrit le samedi 24
novembre 1646 à Nogaredo. Lucia Caveden désigna Domenica Gratiadei, dans la
maison duquel plusieurs objets furent trouvés qui l’incriminèrent. Domenica
Gratiadei avoua sous la torture avoir servi au sabbat, jeté le mauvais œil sur
Cristofero Sparamani, renoncé au baptême et souillé le Sacrement. Benvenuta, la
fille de Domenica Gratiadei, avoua que sa mère l'avait menée à Satan,
"comme dans un rêve", où elle avait eu des relations sexuelles avec
lui.
Domenica Gratiadei avoua avoir
exercé les fonctions aux sabbats, à côté d'un sorcier nommé Santo Peterlino, où
tous chantèrent, dansèrent et donnèrent les hosties à Satan. Les sorcières,
avoua-t-elle, se sont enduites d’un onguent fait "du Sacrement Béni, du
sang de petits animaux, d'Eau Sainte, de graisse de bébés morts" tout en
chantant des blasphèmes et ensuite se transformèrent en chats pour partir au
Sabbat. Le procès dura plusieurs mois et impliqua plus de personnes ; ce
qui attira une foule nombreuse.
Domenica Camelli, Lucia Caveden,
Domenica Gratiadei, Catterina Baroni, Zinevra Chemola, Isabella et Plonia
Gratiadei et Valentina Andrei furent condamnées à la mort. Maria Salvatori et
Maddalena Andrei, que l'on connaissait comme " la Filosofa ",
moururent toutes deux en prison. Les condamnées furent décapitées et leurs
corps brûlés le 14 avril 1647 à Giare. On suggéra qu'Isabella et Polonia
Gratiadei et Valentina Andrei réussirent à s'échapper. Dans ce procès, un homme
a été aussi incriminé, Santo Graziadei qui est mort en prison en 1651.
Source : Wikipedia (en) + Wikipedia (fr)
Le procès des sorcières féeriques de Sicile
Les procès des sorcières
féeriques de Sicile se sont déroulés de la fin du XVIe siècle au milieu du
XVIIe siècle. Ils représentent un phénomène unique, car dans cette région, les
procès de sorcières impliquèrent le folklore des fées.
Les fées de Sicile
En Sicile, il existait une
croyance selon laquelle des elfes ou des fées pouvaient prendre contact avec
les humains, souvent les femmes, pour les emmener à Bénévent, au blockula, le
lieu de rencontre entre le Diable et les sorcières lors du Sabbat. Les fées
étaient appelées les donas de fuera, tout comme les femmes qui les
accompagnaient. Elles étaient belles, habillées de blanc, de rouge ou de noir,
de sexe féminin ou masculin ; leurs pieds étaient des pattes de chats, des
sabots ou d'autres formes rondes. Elles venaient en groupes de cinq ou sept, et
une fée mâle jouait du luth ou de la guitare en dansant. Les fées et les humains
étaient séparés en plusieurs groupes en fonction de leur noblesse, chacun sous
un étendard.
Chaque mardi, jeudi et samedi,
les fées rencontraient les humains de leur groupe dans les bois. En mars,
plusieurs groupes se rassemblaient, et leur « Prince » leur apprenaient à être
des créatures bienveillantes. Les membres d'une congrégation appelée « Les Sept
Fées » étaient capables de se transformer en chats et en « ayodons », capables
de tuer.
Les fées pouvaient être assez
agressives envers les humains. Dans une histoire, un homme sans rapport avec
elles, et ne les voyant donc pas, soufra d'une crampe douloureuse après avoir
trébuché sur une d'elles.
Les procès des sorcières féeriques
Entre 1579 et 1651 furent
enregistrés plusieurs procès en Sicile, cependant leur nombre exact est inconnu
à cause de la perte de certains documents. Les résumés des procès, envoyés au
Suprema de l'Inquisition à Madrid par le tribunal sicilien, rapportent que 65
personnes, dont 8 hommes, furent jugées pour sorcellerie à cause de leur
prétendu rapprochement avec les fées.
L'Inquisition les accusa d'être
des sorcières, mais ne prit pas les cas au sérieux, car les accusés ne
mentionnaient jamais le Diable dans leurs déclarations. Les autorités
associaient fréquemment les réunions avec les elfes à des évènements proches
des sabbats de sorcières, mais comme la population locale voyait généralement
le phénomène d'un bon œil, l'Inquisition ne poussait pas l'enquête plus loin.
Les accusés dirent qu'ils étaient devenus proches des fées parce qu'elles
avaient le « sang sucré », et que dans la plupart des cas, ils se rendaient aux
réunions d'une façon non-corporelle, laissant leurs corps derrière eux.
Comparés aux pays voisins, les
procès de sorcières en Sicile étaient relativement modérés : dans la plupart
des cas, les accusés étaient soit libérés, soit exilés ou emprisonnés, plutôt
que condamnés à mort. Bien que les accusés affirment que des nobles
participaient aux activités, la plupart étaient décrits comme pauvres, et
souvent des femmes.
Les accusés ont apparemment
témoigné sans être torturés par l'Inquisition. Le folklore féerique était bien
ancré à l'époque, et d'après les rapports, les accusés n'avaient pas honte de
leurs actions, certains n'ayant même pas réalisé que leurs croyances allaient
contre l'Église chrétienne. D'après certains d'entre eux, les fées n'aimaient
pas parler du dieu chrétien, ni de la Vierge Marie, mais malgré cela, ils ne voyaient
pas leur pratique comme contraire aux valeurs de la chrétienté. L'Inquisition
finit par perdre son intérêt envers les fées, et essaya au contraire de faire
changer les témoignages des accusés pour leur faire mentionner les sabbats
traditionnels des sorcières, qui impliquaient des démons et des diables plutôt
que des fées. Ils y parvinrent dans certains cas, mais en général, la croyance
profonde de la bienveillance des fées resta ancrée en Sicile longtemps après
l'Inquisition.
En 1630, la magicienne Vicencia la Rosa fut condamnée au
bannissement et à l'interdiction à tout jamais de mentionner les elfes. Après
la condamnation, la Rosa
continua à raconter des histoires à propos de son elfe personnel, Martinillo,
qui l'emmenait à « Bénévent », où elle avait des relations sexuelles et
apprenait la magie. Elle fut arrêtée à nouveau et bannie de Sicile pour le
reste de sa vie.
La femme de pêcheur de Palerme
La femme de pêcheur de Palerme
était une italienne qui fut jugée en 1588 pour sorcellerie par l'Inquisition
sicilienne à Palerme en Sicile. Elle déclara être proche des fées et sa
confession fut l'une des premières décrivant un contact entre les elfes et les
humains en Sicile. Des témoignages similaires se firent fréquents dans les
procès des sorcières en Sicile entre la fin du XVIe siècle et le milieu du
XVIIe siècle.
Elle raconta que lorsqu'elle
avait huit ans, elle avait volé dans les airs avec un groupe de femmes sur des
boucs jusqu'à un grand champ dans le royaume de Naples appelé Bénévent, ou un
adolescent « rouge » et une belle femme étaient assis sur un trône. Selon son
témoignage, ils étaient appelés le Roi et la Reine. Elle affirma
que la meneuse des femmes qui l'avaient emmenée là-bas, appelée la Bannière, lui expliqua
que si elle s'agenouillait devant le Roi et la Reine et qu'elle leur prêtait allégeance, ils lui
donneraient des hommes riches et beaux avec qui elle pourrait faire l'amour, et
qu'elle n'aurait pas à vénérer Dieu ni la sainte Vierge. La Bannière ajouta qu'elle
ne devrait pas mentionner la
Vierge Marie, parce que cela ne se faisait pas en présence
d'Elfes. La jeune fille accepta d'adorer le Roi et la Reine comme des dieux, prêta
allégeance dans un livre contenant beaucoup de lettres, et promit son âme et
son corps au couple divin. Après cela, un banquet fut installé, et tout le
monde mangea, but et fit l'amour ensemble. Elle affirma aussi avoir eu des
relations sexuelles avec beaucoup d'hommes, après quoi elle explique s'être
réveillée.
Elle dit ne pas avoir été
consciente d'être dans le pêché avant que le prêtre ne lui dise que ces choses
étaient l'œuvre de Satan. Elle continua tout de même, pour le plaisir que cela
lui procurait. Elle ajouta qu'à quelques occasions, les elfes venaient la
chercher avant qu'elle n'aille se coucher pour éviter que son mari ou ses
enfants ne remarquent quoi que ce soit. Elle affirma être éveillée tout le long
des évènements. Elle expliqua aussi que le Roi et la Reine lui avaient donné de
la médecine pour soigner les malades, pour qu'elle puissent gagner de l'argent
et sortir un peu de la pauvreté.
Selon l'Inquisition, les fées
n'existaient pas, et étaient un reste du paganisme qui devait être éradiqué au
lieu d'être pris au sérieux. Les évènements rapportés par la femme de pécheur
étaient donc soit des rêves, auquel cas ils pouvaient tolérer leur histoire sur
les fées, soit, si c'était réel, des sabbats de sorcières dans lesquels ce
n'étaient pas des fées mais des démons. L'Inquisition posa donc des questions à
la femme de pécheur pour savoir si c'était un rêve ou la réalité. Le rapport
cite la conclusion du tribunal : « Tout ceci semble s'être déroulé pour elle
comme dans un rêve », et que tout n'avait été qu'un rêve, « aussi loin qu'elle
puisse s'en rendre compte ».
Source : Wikipedia
L’affaire des sorcières de Triora
L'affaire des sorcières de Triora
est un procès en sorcellerie qui se déroule au XVIe siècle dans le village
fortifié de Triora, au nord de la
Ligurie, dans les Préalpes au-dessus de Sanremo, non loin du
col de Tende. Le village appartenait, au moment où l’affaire éclate, à la République de Gênes.
Triora était alors un bourg de 2
500 personnes et son territoire communal en comprenait environ 700 autres.
Cette bourgade sise dans un lieu assez difficilement accessible au relief
accidenté constituait cependant un lieu de passage très fréquenté, notamment
par des hérétiques en fuite et autres prédicateurs, des hommes de troupe
déserteurs, mais également des esclaves en fuite, car l’esclavage représentait
un trafic très lucratif pour Gênes autant que pour Venise et les Républiques
maritimes en général. Papes, évêques, gens de qualité possédaient des
"négrillons" dans leur suite et leurs cortèges, et les servantes de
la bourgeoisie commerçante étaient souvent mauresques.
Cette affaire illustre assez bien
comment se déroulait un procès pour sorcellerie devant les tribunaux de
l’Inquisition et pour quelles raisons, découvrant, outre aux motifs religieux,
la psychologie villageoise de l’époque, et les règlements de compte, les
vengeances transversales qui s’y manifestaient.
Origine de l'affaire
Une famine sévissait, ce qui peut
paraître curieux car la situation du village à la fin du XVIe siècle semblait
plutôt florissante. Deux familles, les Borelli et les Faraldi, tiraient les
ficelles de l’économie locale dont elles avaient le monopole et s’en
partageaient les bénéfices.
Les Borelli étaient une famille
de propriétaires terriens, et à celle-ci appartenait une certaine Franchetta
qui fut accusée de sorcellerie. Unanimement considérée par ses concitoyens une
femme encore agréable ayant eu des mœurs légères dans sa jeunesse, elle était
riche, enviée et avait de nombreuses relations. Un autre membre de cette
famille s’était trouvé impliqué dans une conspiration filo-savoyarde et fut
soupçonné de pratiquer la sorcellerie.
À la famille Faraldi appartenait
un chanoine qui, en 1588, fut dénoncé comme faux-monnayeur et alchimiste. Il
parvint à s’enfuir mais fut condamné par contumace par un tribunal présidé par
un membre d’une troisième famille assez en vue dans la contrée qui, quelque
temps auparavant, avait perdu son parent, le prévôt de la ville, assassiné par
un membre de la famille du chanoine. Ces deux familles s’enrichissaient très
probablement en spéculant sur les denrées alimentaires de la région, en les
bloquant dans leurs magasins pour les revendre aux meilleurs offrants
qu’étaient les piémontais, les génois ou les huguenots, provoquant la disette
qui accablait les villageois de Triora et alentours. Leur misère fut imputée
aux sorcières.
Le début de l'enquête
Confrontés à une famine et à la
sécheresse, les paysans exaspérés et superstitieux parlaient donc de sorcières
responsables de leurs maux. Le Conseil des Anciens du village demanda
l’intervention d’un Inquisiteur, aux frais de la communauté. Représentant les
intérêts des notables, celui-ci pensa sans doutes opportun d'aller à l'encontre
des superstitions paysannes, d'autant que la disette pouvait finir par susciter
une rébellion sous forme de jacquerie. En 1587, le vicaire délégué par
l’épiscopat à Triora se trouva confronté à une situation assez commune dans
l’Europe de l’époque, le nombre des baptêmes ne correspondait pas davantage que
celui des mariages au nombre des habitants.
Une enquête sommaire fut menée en
janvier 1588, 200 personnes, des femmes pour la plupart, de toutes conditions
sociales, furent interrogées sous la torture. Une femme de soixante-cinq ans
n’y avait pas résisté et était morte avant la fin de l’interrogatoire, une
autre s’était suicidée en se jetant par la fenêtre de peur d’y être soumise, et
treize femmes, quatre fillettes et un garçonnet furent inculpés.
Dans son rapport à l’évêque de la
ville d’Albenga, le vicaire Girolamo Del Pozzo déclara à toute fin
justificative n’avoir utilisé le supplice des braises que sur cinq « sorcières
», assurant que « le feu mis sous les pieds n’avait pas dépassé le temps maximum
d’une heure » et concluait que « toutes les femmes avaient été assez bien
traitées, aux frais de la communauté, et que les tourments n’avaient pas excédé
la règle : si quelqu’une pensait avoir subi un tort, parce qu’estropiée ou
brûlée dans les supplices, ceci était dû aux mauvais soins des médecins ou de
la famille reçus après l’interrogatoire ».
Le procès
Les femmes incriminées restèrent
emprisonnées dans l’attente du verdict. En mai 1588 arriva l’Inquisiteur
dominicain Alberto Fragarola pour les interroger. Toutes nièrent appartenir à
une secte à l’exception d’une adolescente de 13 ans qui abjura obtenant ainsi
la libération et le pardon. Il fut décidé d’envoyer ces sorcières dans les
prisons de Gênes par le Gouvernement même de la République Gênoise.
Des protestations commençaient à lui parvenir de la part du Conseil des
Anciens, porte-parole des notables de Triora qui commençaient à s’inquiéter de
l’ampleur du ratissage mené par l’Inquisition, touchant ses membres même comme
Franchetta, d’autant que les frais d’Inquisition pesaient financièrement sur la
communauté.
Un Commissaire spécial de
l’Inquisition, Giulio Scribani, fut à nouveau envoyé à Triora dans l’été 1588,
mais entre temps il semble que les jeux politiques étaient faits, et les dés
jetés quant au sort des prisonnières dont 9 étaient mortes sous la torture dans
les prisons de Triora et 5 autres dans les prisons de Gênes. Sur 33 femmes
accusées de sorcellerie et quelques centaines d’inculpées, il restait encore à
instruire le procès de 13 femmes et un homme à Gênes. Le Commissaire était un
spécialiste de la chasse aux sorcières, c’est ainsi qu’il avait fait carrière.
Décidé à en découdre avec le Malin et à envoyer au bûcher tous les suspects, il
élargit considérablement la chasse sur le territoire selon une tactique bien
définie, encerclant le village par des « nettoyages » concentriques, pour
donner l’assaut final à ce bourg fortifié, convaincu que là résidait le fond du
problème.
Les objectifs des parties en présence
L’objectif et le but du procès
furent clairs : introduire la suspicion mutuelle dans le tissu social,
permettant ainsi aux conflits d’exploser et de rendre nécessaire l’intervention
des autorités extérieures, celles de l’État et de l’Église, pour venir à bout
de la solidarité qui, dans une société paysanne traditionnelle, liait les
habitants aux traditions ancestrales. L’ampleur des rites et des usages
préchrétiens, concernant des milliers de personnes, était telle qu’elle
constituait une véritable barrière pour la bureaucratie catholique. En outre,
le réel pouvoir des « sorcières », effectivement et tacitement affiliées au
Culte de Diane, créait une sorte de matriarcat sur une toile de fond
magico-religieuse qui contrait efficacement l’autoritarisme masculin, tant du
clergé que du pouvoir politique.
Il apparaît que la majorité des
femmes accusées de sorcellerie étaient des « herboristes », c’est-à-dire des
guérisseuses, des femmes-médecines1. Il devenait facile, dès lors, à partir de
l’équation femme-médecine = sorcière, de leur attribuer la grêle, le mauvais
temps et la disette ; la figure de la « sorcière » permettait toutes les
accusations, mêmes les plus absurdes et les plus invraisemblables.
Le culte de Diane prévoyait,
selon Mircea Eliade, un scénario mythico-rituel composé de deux groupes rivaux
incarnant plus ou moins le masculin et le féminin. Il semble que la sensibilité
de ces deux groupes ait eu des orientations différentes sur l’actualité
politique du temps. Le groupe masculin dont faisait partie le chanoine Faraldi
était composé de faux-monnayeurs, avait créé une disette fictive par le biais
de la spéculation, était probablement filo-savoyard et pensait faire passer
Triora aux mains du Duc de Savoie. La congrégation féminine en revanche gagnait
sa vie par l’exercice, illicite puisque relevant de la sorcellerie, de la
médecine traditionnelle à laquelle tout le monde, riche ou pauvre, avait
recours. Le groupe féminin entretenait en outre, probablement, des rapports
avec les huguenots, se livrait à la contrebande en général, faisait circuler
des livres de l’Église réformée, et pensait sans doutes arracher Triora tant
aux Génois qu’aux Savoyards pour créer une zone franche en Ligurie. Les choses
pourraient s'être précipitées au moment où ces femmes décidèrent de ne plus
passer au Protestantisme, considérant qu’elles n’avaient rien à y gagner, les
protestants se comportant exactement comme les catholiques relativement aux
dites « sorcières », qu’elles étaient. La congrégation masculine avait donc
pris le dessus quand elle se rendit compte que le long bras de l’Inquisition
pourrait bien arriver à découvrir la pratique de la fausse monnaie, et que les
hommes auraient eux-mêmes bien pu finir brûlés comme sorciers. Mais il était
désormais bien tard pour faire marche arrière.
Épilogue
Les choses en restèrent là de par
la volonté du Saint-Siège, excédé par le zèle du commissaire spécial Scribani
dans cette affaire. Bien que le pape Sixte V ait fait paraître la bulle Caeli
et terrae creator deus invoquant des mesures très sévères à l'égard de
quiconque se livrait à la sorcellerie, les exactions et les irrégularités mêmes
commises par son Inquisiteur dans son zèle lui firent suspendre l’enquête.
Scribani fut excommunié, sombra dans la folie sans comprendre en quoi il avait
failli, puis quelque temps plus tard l’excommunication dont il faisait l’objet
fut levée.
Les quelques femmes survivantes
restant dans l’attente de leur procès disparurent, probablement déportées dans
une autre partie des territoires génois. Dame Franchetta, torturée une première
fois, fut libérée sur caution de mille écus et assignée à résidence, aux arrêts
domiciliaires. Elle s’enfuit, et aurait pu disparaître à tout jamais pour fuir
ses tortionnaires, sans qu'on sache pourquoi, elle décida de revenir une fois
guérie de ses blessures ; peut-être pour ne pas mettre sa famille en danger,
peut-être parce qu’elle s'était rendue lors de sa fuite à quelque colloque où
l'assurance de bénéficier d'appuis politiques suffisants à la garantir lui
avait été donnée. De retour, elle fut torturée une seconde fois, ne confessa
rien et fut finalement acquittée et relaxée. Elle mourut quelques années plus
tard de mort naturelle et fut inhumée en terre catholique consacrée.
Source : Wikipedia
Les procès du Val Camonica
Les procès de Val Camonica furent
deux grands procès qui eurent eu lieu entre 1505 et 1510 et entre 1518 et 1521.
Ils causèrent les morts d'environ 110 personnes.
Les informations relatives à ces
procès nous viennent de Marin Vénitien Sanudo qui était le chroniqueur au Conseil
des Dix de 1496 à 1536. La preuve écrite fut détruite selon l'ordre de Giacinto
Gaggia, l'évêque de Brescia, pour empêcher d'être utilisé par l'opposition
anticléricale.
Le christianisme n’était pas
puissant dans le secteur du Val Camonica, bien que les premiers baptêmes
remontent au Vème siècle. En 724, le Roi Liutprando de Lombardy craint une
rébellion après avoir publié une interdiction contre le Paganisme.
En 1485, l'Inquisiteur Antonio da
Brescia critiqua fortement l'hérésie en cours et le métier de sorcière dans le
Val Camonica devant le Sénat Vénitien. Le 23 juin 1505, 7 femmes et 1 homme
furent brûlés à Cemmo dans le Val Camonica et en 1510, des sorcières furent
brûlées pour avoir causé la sécheresse
par magie : 60 femmes et hommes avouèrent avoir blessé des gens, des animaux et
la terre avec leurs charmes, causé des feux avec l'aide de Satan : "le
monde entier pleure devant le triste manque de foi en Dieu et en ses saints
dans le Val Camonica. Au Val Camonica, 64 hommes et femmes furent exécutés et
beaucoup plus furent emprisonnés..."
Le second procès intervint après
la paix de Noyon avec la
France. Pendant les premiers mois de 1518, des inquisiteurs
furent détachés dans les paroisses du Val Camonica ; Don Bernardino de Grossis
à Pisogne, Don James de Gablani à Rogno, Don Valerio de Boni à Breno, Don
Donato de Savallo à Cemmo et Don Battista Capurione à Edolo, tous sous les
ordres de l'évêque Inquisiteur Peter Durante, qui présidait à la cour centrale
de l'Inquisition à Cemmo. En juillet 1518, plus de 60 femmes et hommes furent
condamnés au bûcher.
Dans une lettre d'août 1518, un
fonctionnaire, Josef Di Orzinuovi, rapporteur du procès auprès de Ludovico
Quercini précisa que plusieurs personnes avaient été brûlées pour le métier de
sorcière après avoir propagé la peste par acte de magie. Ils furent aussi
accusés de provoquer des tempêtes, la foudre et le tonnerre.
La même année, Carlo Miani, un
noble vénitien, écrivit au docteur Zorzi : "quelques femmes à Breto ont
avoué avoir dispersé de la poudre de Satan dans l'air, ce qui causa la maladie
et la mort de 200 personnes..."
En 1573, il précisa que le
Christianisme était toujours faible dans le secteur ; peu accomplissaient leurs
devoirs religieux, les femmes allaient à l'église sans couvrir leurs cheveux
d'un voile, les gens dansaient lors des fêtes religieuses. En 1580, l'église
envoya une autre délégation pour rendre les habitants plus catholiques.
Beaucoup de vieux cultes païens et de coutumes étaient toujours vivants. Sur la
montagne Tonale, "les sorcières" étaient réputées se réunir en
juillet. Toutefois cette dernière visite de l'église ne mena à aucune
exécution.
Source : Wikipedia (en)