Les Procès et Chasses aux sorcières
Des chasses aux sorciers ont eu
lieu en Europe avec des hauts et des bas jusqu’à la fin du XVIIIe siècle,
principalement entre 1580 et 1630, faisant au total à travers les siècles un
nombre considérable de victimes, qui reste cependant très difficile à estimer
puisqu'on n'a peu de traces écrites des lynchages spontanés. Certains
historiens l'évaluent entre 40 000 et 100 000. Ce qui représente en moyenne
quelques individus par an, dans un pays comme la France, avec des flambées
temporaires en Lorraine ou dans le Bordelais vers 1600.
La dernière sorcière à être
condamnée en Europe fut Anna Göldin, en 1782 dans le canton protestant de
Glaris, Suisse.
La chasse aux sorcières a
enfiévré l'imagination des auteurs de romans noirs et des romantiques au 19e
siècle, inspirant toute une imagerie de bûchers flambant, d'inquisiteurs
fanatiques, de tortures affreuses. Ces clichés sont si bien ancrés dans les
esprits qu'il est difficile de faire admettre les connaissances historiques qui
contredisent ces scènes. On voit même des "musées de la torture" qui
présentent de prétendues "machines à torturer médiévales" inventées
de toutes pièces.
Origines historiques
La chasse aux sorcières s'est
pratiquée à toutes les époques et dans toutes les grandes civilisations,
jusqu'à sa remise en cause progressive par le christianisme, puis par la
culture scientifique.
En Islam, la sharî’a condamne le
sorcier mais aussi le faiseur de talismans qui fait appel à l’astrologie, aux
nombres, etc. Le juriste Ibn Abî Zayd al-Qayrawânî (Xe s.) écrit : « L’impie
encourt la peine de mort. Sa résipiscence n’est pas admise. […] De même pour ce
qui concerne le sorcier (sâhir) dont on n’accepte pas la résipiscence. ».
En 1971, le gouvernement de
Papouasie-Nouvelle Guinée a introduit une loi réprimant le délit de
sorcellerie.
Reste que la grande persécution
des sorciers et sorcières dans plusieurs régions d'Europe et en
Nouvelle-Angleterre aux XVIe et XVIIe siècles continue à poser une énigme aux
historiens.
Contestations du pouvoir religieux
L’Inquisition est organisée à la
fin du XIIe siècle par le pape Grégoire IX pour lutter contre les hérétiques,
puis par le concile de Latran IV. Ses premières cibles sont les Cathares et les
Vaudois. Elle ne s'occupe pas de "sorcellerie". Parallèlement le
pape, à la demande de son inquisiteur exerçant en Allemagne Conrad de Marbourg,
édicte en 1233 la première bulle de l’histoire contre la sorcellerie, la Vox in Rama en y décrivant le
sabbat des sorciers et leur culte du diable. La contestation relève-t-elle d’un
"désir de liberté"? Cette interprétation résulte souvent de
projections militantes du 20e siècle, bien loin des aspirations mystiques du
Moyen Âge. Si, après les fièvres millénaristes, on voit fleurir des sectes dans
la mouvance du Libre-Esprit, comme les bégards et les lollards qui réclament
une plus grande liberté des consciences, il s'agit de mieux obéir à Dieu. Ces
sectes comportent un grand nombre de femmes, tout comme les ordres monastiques
réguliers. Elles sont en phase avec l’Église dans la mesure où celle-ci promeut
l'égalité fondamentale de la femme et de l'homme devant Dieu, mais elles
peuvent vouloir aller plus loin que ne l'admet la société de l'époque. Les
béguines, surtout présentes en Europe du Nord, cristallisent ce courant de
subversion. Elles vivent au sein de communautés autonomes, mais ne sont pas
ordonnées. Elles vivent d’aumônes, de leurs salaires pour leurs soins médicaux
ou leurs travaux textiles. Marguerite Porete, une béguine, publie à la fin du
XIIIe siècle un traité de théologie, le Miroir des âmes simples anéanties,
recherche exaltée de la soumission de la pécheresse devant Dieu. Poursuivie par
l’Inquisition, elle est condamnée pour hérésie et est brûlée en 1310. Ce qui
n'a rien à voir avec la "sorcellerie", laquelle faisait certainement
horreur aux béguines.
Réaction de l’Église
Vers 1326, le pape Jean XXII
rédige la bulle Super Illius Specula, qui définit la sorcellerie comme une
hérésie. Sorcellerie et hérésie, jusque-là perçues comme deux univers mentaux
très éloignés, vont être associées pendant trois siècles dans l'analyse qu'en
font les théologiens.
Les persécutions ne commencèrent
qu'au XVe siècle et connurent leur apogée aux XVI et XVIIe siècles,
c'est-à-dire pendant la
Renaissance et le Grand siècle. En 1484, le pape Innocent
VIII lance le signal de la chasse aux sorcières en rédigeant une bulle papale,
Summis desiderantes affectibus, qui organise la lutte contre la sorcellerie et
élargit la mission de l’Inquisition aux « praticiens infernaux ». La persécution
est véritablement lancée à grande échelle après la publication en 1486 du
Malleus Maleficarum, par Heinrich Kramer et Jacques Sprenger, deux dominicains.
Il s’agit d’une enquête commanditée par l’Inquisition qui décrit les sorcières,
leurs pratiques, et les méthodes à suivre pour les reconnaître. Le Malleus
Maleficarum, ou Marteau des sorcières en français, est un véritable succès : il
connut près de trente éditions latines entre 1486 et 1669. Bien que rapidement
rejeté par l’Inquisition et par l'Église catholique qui l'interdit en 1490, le
manuel rédigé par les deux Dominicains servit de référence à la justice
séculière qui condamnait les sorciers.
Les persécutions
Suite à la publication de cet
ouvrage commence un mouvement d’arrestations systématiques dans toute l’Europe.
Principalement en Allemagne, en Suisse et en France, mais également en Espagne
et en Italie. Cette première vague dure environ jusqu’en 1520. Puis une
nouvelle vague apparaît de 1560 à 1650. Les tribunaux des régions catholiques
mais surtout des régions protestantes envoient les sorcières au bûcher. On
estime le nombre de procès à 100 000 et le nombre d'exécutions à environ 50
000. Brian Levack évalue le nombre des exécutions à 60 000. Anne L. Barstow
révise ces nombres et les élève à 200 000 procès et 100 000 exécutions en
prenant en compte les dossiers perdus. Mais Ronald Hutton fait valoir que
l'estimation de Levack prenait déjà en compte les dossiers manquants, lui-même
penche pour 40 000 exécutions.
Les accusés connaissent généralement
bien le scénario du sabbat diabolique, popularisé par les livrets de colportage
et les contes de la veillée, et beaucoup vont au-devant des demandes des juges,
soit par peur, soit par mythomanie ou pour assouvir des haines personnelles.
Les victimes des procès en
sorcellerie sont à 80 % des femmes. Les gens riches ne sont pas protégés, leurs
biens étant une tentation pour leurs accusateurs. Les condamnations pouvaient
parfois être étendues à leurs enfants, surtout s’il s’agissait de filles. Les
juifs, homosexuels, marginaux et « errants », pauvres hères et vagabonds, «
gens du voyage » font aussi partie des victimes. Des animaux ont même été
brulés pour sorcellerie, de même qu'ils pouvaient parfois être poursuivis pour
coups et blessures. Les prêtres eux-mêmes n'étaient pas à l'abri, comme le
rappelle Von Spee. En France, la persécution s’arrête pratiquement après 1680.
Le Parlement de Paris, beaucoup moins « démonomane » que les justices de
province, la freine dès 1620 et finit par nier toute réalité aux pactes
sataniques et aux maléfices, ce qui ôte leur fondement aux poursuites. Seuls
sont réprimés les empoisonnements et crimes sexuels pratiqués par certains
groupes que nous dirions satanistes. C’est le cas par exemple de Catherine
Deshayes la Voisin
et de ses adeptes. Les grandes persécutions se terminent vers la fin du XVIIe
siècle. Les dernières victimes sont brûlées ou décapitées, Anna Göldin à Glaris
dans la Suisse
protestante en 1782, et deux autres dans la Pologne catholique en 1793.
À Bournel en France une femme
accusée de sorcellerie fut brûlée par des paysans en 1826 et une autre
"sorcière" jetée dans un four en 1856 à Camalès canton de
Vic-en-Bigorre12. En 1886 à Luneau, le couple composé de Georgette et Sylvain
Thomas brûle vive la mère de celle-ci, l'estimant possédée et responsable de
leur malheur13.
Les procès
Le premier procès en sorcellerie
à Paris est celui de Jeanne de Brigue le 29 octobre 1390 : jugée par le
Parlement, elle est brûlée vive le 19 août 1391.
En 1613, en Allemagne, le superintendant
de Henneberg déclarait : « Les autorités ne doivent pas permettre aux avocats
de s'occuper des affaires de sorcières et de leur sauver la vie pour provoquer
encore plus de dommages et de maux. Car tout le mal que de telles fiancées du
diable font, les régents et les honorables avocats devront un jour en répondre
devant Dieu et la chaire du Christ. » Les juges pratiquent une certaine douceur
dans le questionnement, pour mettre l'accusée en confiance, mais les questions
théologiques, comme celles qui furent pratiquées pour le procès de Jeanne
d'Arc, perdent les pauvres paysannes sans culture que ces femmes étaient le
plus souvent.
Les méthodes sont celles
utilisées à toute époque quand l'accusé est jugé coupable avant même que
commence le procès. Un moment clé de l'interrogatoire est l'apparition des
témoins qui sont souvent des proches de la sorcière. L'instant d'avant, elle ne
savait pas qui avait déposé contre elle et, tout à coup, l'accusée s'effondre
quand elle réalise quelles personnes se sont liguées contre elle. Le livre de
Friedrich Spee Cautio Criminalis, écrit à l'époque de la persécution la plus
violente en terre germanique, décrit parfaitement le mécanisme implacable qui
fait que la sorcière ou le sorcier ne peuvent que mourir ; s'ils n'avouent pas,
ils sont accusés de taciturnité diabolique et sont condamnés, s'ils avouent
sous la souffrance, ils sont également brulés.
Ce que la société reproche aux sorcières et sorciers
Médecine traditionnelle
Les femmes accusées de
sorcellerie sont souvent sages-femmes ou guérisseuses, dépositaires d’une
pharmacopée et de savoirs ancestraux. La population, essentiellement rurale,
n’avait guère d’autre recours pour se soigner. Ces méthodes définies comme
magiques se heurtent au rationalisme de la Renaissance. Des
incantations en langue connue ou inconnue sont souvent associées aux soins et
l'Église contraint les fidèles à remplacer ces gestes et incantations par des
prières aux saints guérisseurs et par des signes de croix. Les sages-femmes
sont accusées de pratiquer des avortements.
Autre cause possible : cette
période sonnait le commencement de la Médecine à grande échelle. Or seuls les hommes
étaient autorisés à la pratiquer. Pour pouvoir s’imposer, ils devaient prendre
la place de ces femmes pratiquant la médecine traditionnelle et l’accouchement.
Cette attitude freina considérablement le développement de la pharmacopée et
induit un recul certain dans le traitement de la maladie.
L’émancipation féminine ?
L’accusation de sorcellerie
a-t-elle été utilisée pour condamner une certaine émancipation féminine
vis-à-vis des contraintes de la société ? C'est une thèse très discutable. Lors
de son procès pour hérésie, on a reproché à Jeanne d'Arc de porter des habits
d’homme - ce qui n'était pas un délit (elle les portait depuis trois ans avec
l'accord du roi de France et de l'archevêque de Reims !), mais a pu être
utilisé comme argument de mauvaise foi par ses juges -, d’avoir quitté ses
parents sans qu’ils lui aient donné congé, et de monter à cheval (ce qui était
parfaitement admis pour une femme, comme le montrent d'innombrables
illustrations médiévales).
Presque toutes les femmes
travaillaient à l'époque, et la relative indépendance économique dont elles
jouissaient ne posait pas de problème (par exemple Christine de Pisan dirigeait
un atelier de copistes). Les femmes sans appui masculin, les veuves en
particulier, étaient plus facilement condamnées, d'autant que si elles étaient
riches, leur bien était partagé entre l'accusateur et le juge. Également, le
bourreau pouvait être payé à la pièce.
Ces procédés sont dénoncés en
particulier par le jésuite Von Spee. Mais tout homme solitaire pouvait
également devenir suspect de sorcellerie aux yeux de la communauté locale : ce
sont souvent des bergers, des meuniers, voire des prêtres qui étaient désignés
comme "sorciers".
Le cas des béates est
particulièrement révélateur. Des femmes indépendantes réunissent autour d'elles
de nombreux fidèles, et disent avoir des visions parfois même des entretiens
avec le Christ ou la
Vierge Marie, mettant en péril l'unité de la doctrine
catholique (bien qu'à échelle réduite). Certaines d'entre elles sont condamnées
pour sorcellerie tandis que d'autres, rattachées à un confesseur qui les
canalise, sont canonisées.
La sexualité
On reproche également aux
sorcières leur sexualité. On leur prête une sexualité débridée. D’après le
Marteau des sorcières Malleus Maleficarum, elles ont le « vagin insatiable ».
Les sabbats qu’on leur reproche sont l’occasion d’imaginer de véritables orgies
sexuelles. Mais l’Église stigmatise surtout une sexualité subversive. Selon l’Église, les sorcières apprécient
particulièrement les positions « contre nature » : en particulier, elles
chevauchent volontiers leurs compagnons, ce qui symboliquement renverse le
rapport "naturel" de domination. On retrouve ici dans la sorcière la
figure de Lilith, que la tradition juive présente comme la première femme
d’Adam. Formée par Dieu à l’égal de l’homme, Lilith aurait abandonné Adam car
il refusait de se livrer au jeu de l’amour en dehors des positions
traditionnelles (position du missionnaire).
Il faut aussi rapprocher ces
sabbats de fêtes anciennes, comme Beltaine au printemps, qui étaient des fêtes
de la fécondité. Il a pu y avoir, au Moyen Âge et à la Renaissance, des
résurgences de ces fêtes.
Il est probable, à lire certains
comptes rendus de prétendues relations sexuelles avec le diable dans certaines
maisons ou dans la nature, que des hommes déguisés abusaient de la naïveté de
certaines femmes en se faisant passer pour le diable, avec ou sans complicités.
L'autre aspect de cette focalisation sur la sexualité est l'accusation de
rendre les hommes impuissants (« nouer l'aiguillette ») ainsi que la terre et
les animaux infertiles. Institoris raconte dans Le Marteau des sorcières que
les sorcières volent les sexes masculins et les cachent dans des nids. La
guerre de la fertilité est attestée par les travaux de l'historien Ginzburg sur
les benandantis du Frioul qui vont en rêve combattre les sorciers et démons qui
volent les récoltes. Ces croyances sont immémoriales.
Le satanisme
Si les populations païennes
marginalisaient ou parfois lynchaient un "jeteur de sorts", elles
admettaient cependant les transes et les états de possession (et les admettent
toujours, voir les cultes vaudou et les diverses formes de chamanisme). Le
judéo-christianisme, lui, considère qu'il s'agit d'une attaque du démon contre
une personne qui en est victime : Jésus a donné l'exemple en délivrant des
possédés, en "chassant le démon". Et l’Église emploie encore
aujourd'hui des prêtres exorcistes. Mais, dans les cas rares où c'est la
personne elle-même qui a recherché l'état de transe, on pouvait l'accuser
d'avoir basculé du côté du Mal, de la sorcellerie.
Les sorcières sont censées être
en relation avec le diable, d'où la recherche du « signe du diable » (sigillum
diaboli, sceau du diable repéré sur le corps dénudé et rasé de la sorcière par
une aiguille chirurgicale car il doit être insensible et non hémorragique) et
des signes associés, dont la glossolalie, la voyance, la psychokinèse et les «
marques du diable (en) » (pattes de crapaud au blanc de l'œil, tâches sur la
peau, zones insensibles, maigreur, ...), d'utilisation de dagydes, de potions
magiques ou de sortilèges.
Sorcières et humanisme
La persécution des sorcières
culmine aux XVIe et XVIIe siècles et coïncide avec la Renaissance,
c'est-à-dire le début de l'époque moderne qui est caractérisé par l’humanisme
et les débuts de l’imprimerie. Les sorcières étant des boucs émissaires, les
chasses aux sorcières correspondent avec les périodes de guerre (guerres de
religion, guerre de Trente Ans) et les malheurs du temps (famines, épidémies
etc...). Les grands penseurs humanistes ne s’élevèrent pas contre ce mouvement,
à l’exception d’Heinrich Cornelius Agrippa von Nettesheim qui fut attaqué pour
soutien à la sorcellerie.
Le pasteur allemand Anton
Praetorius de l’Église réformée de Jean Calvin édita en 1602 le livre De
l’étude approfondie de la sorcellerie et des sorciers (Von Zauberey und
Zauberern Gründlicher Bericht) contre la persécution des sorcières et contre la
torture. Le jésuite Friedrich Spee von Langenfeld qui a accompagné de
nombreuses prétendues sorcières au bûcher publia sous l'anonymat un livre pour
les défendre (cautio criminalis). Toute sa vie il se battit pour les défendre,
et invitait les juristes et tous ceux qui contribuaient à cette chasse,
d'assister à une séance de torture au cours desquelles il dit avoir vu blanchir
ses cheveux en voyant tant de détresse et de souffrance qu'il ne pouvait
soulager. Il les adjurait d'appliquer la constitution caroline de Charles
Quint, un système de droit pénal évolué et protecteur des droits des accusés.
Les pratiques locales étaient souvent peu respectueuses des textes, ce qui
explique que dans certains lieux il y ait eu des flambées de violence et rien
du tout 50 kilomètres plus loin.
Le grand juriste Jean Bodin
publia un traité de démonologie. Il est dans la ligne dure du Marteau des
sorcières et s'élève violemment contre ceux qui les défendent. Ce mouvement de
normalisation des esprits et des mœurs s’inscrit dans la progression de la
pensée de la Renaissance.
Au contraire, son contemporain
Montaigne ne voit dans la sorcellerie qu’illusions de vieilles femmes
superstitieuses à qui il faudrait « quelques grains d’ellébore ». Le médecin
Jean Nydault réduit également la sorcellerie à un fantasme. La psychiatrie est
née au pied des bûchers, les médecins s'interrogeaient sur ce qu'était la
possession, les visions, les hallucinations. Jan Wier (de paestigiis daemonium
1567) et Paulus Zachias font partie des sceptiques. Jean Wier assure :
"ces pauvres possédés et ensorcelés sont victimes de leur imagination
avivée par des tourments". Comme le remarque Esther Cohen, « Au nom de la
science, la rationalité occidentale éradique les figures de l’altérité ».
René Girard explique que les
boucs émissaires sont universellement répandus, mais que seul le christianisme
a pu envisager que les "sorcier(e)s" soient innocents. D'où
l'utilisation de tribunaux de l'Inquisition, où s'était ébauché un droit de
l'accusé et une procédure rationnelle de recherche de la preuve et de l'aveu,
essentiellement par questions/réponses. Il n'y aurait donc pas eu à proprement
parler une recrudescence de chasse aux sorcières particulière à la Renaissance, mais
plutôt une prise de conscience du "scandale" (au sens Girardien du
terme)
Mutation du phénomène
Au XVIIe, avec le développement
de l'état royal centralisé, notamment en France et en Espagne, le pouvoir
accroît son contrôle et met au pas les mouvements populaires, dont les chasses
aux sorcières sont un aspect. A partir des années 1620, le Parlement de Paris
interdit aux juridictions provinciales de les pratiquer. Des magistrats et des
policiers sont condamnés à mort, sous Louis XIII, pour avoir fait brûler un
"sorcier". Les procès en sorcellerie continuent seulement dans les
régions d'Europe où l'Etat est faible, comme l'Allemagne. En 1634, l’affaire
des possédées de Loudun marque une étape. Dans un couvent d’ursulines à Loudun,
les sœurs affirment avoir été ensorcelées par le curé Urbain Grandier. Suite à
un procès en sorcellerie demandé par Richelieu, le curé est brûlé. Mais ce
n'est qu'un cas spectaculaire d'un phénomène qui tend à disparaître. L'Eglise
Catholique en pleine réforme, et d'autres mouvements chrétiens, remettent de
plus en plus en cause ces croyances archaïques, en phase avec le développement
de l'esprit critique qui condamne cette pratique. Si les masses populaires
croient encore à la sorcellerie, les élites ne veulent plus en entendre parler
et imposent son exclusion du champ judiciaire. La sorcellerie est de plus en
plus considérée comme un symptôme d'arriération, à l'époque du progrès, de
l'ordre et de la raison. A la fin du XVIIe en France, les gens qui se font passer
pour sorciers sont condamnés pour escroquerie ou empoisonnement, non pour leurs
relations supposées avec le diable.
Dans un livre qui mêle l'histoire
et l'imagination poétique, l'historien français Jules Michelet publia un
ouvrage en 1862. Il voulut ce livre comme un « hymne à la femme, bienfaisante
et victime » pour voir apparaître le thème sous un jour positif, faisant de la
sorcière une femme révoltée alors qu'il s'agissait le plus souvent de femmes
âgées, frêles et vivant en marge de la société.
Anecdote
Une loi anglaise de 1677
condamnait au bûcher les météorologues, taxés de sorcellerie. Cette loi qui ne
fut pas toujours appliquée à la lettre fut abrogée seulement en 1959.
Source : Wikipedia