Les Prophéties de Nostradamus
La première édition des
Prophéties est publiée le 4 mai 1555 par l’imprimeur lyonnais Macé (Matthieu)
Bonhomme. Plusieurs éditions sont considérées comme piratées ou antidatées,
mais on admet en général que l'édition (augmentée) qui porte la date de
septembre 1557 fut réellement publiée du vivant de Nostradamus. L'existence
d'une édition de 1558 est moins sûre, aucun exemplaire n'ayant survécu.
Le livre est partagé en
Centuries, une centurie étant, théoriquement, un ensemble de cent quatrains. La
septième centurie resta toujours incomplète. La première édition, pleine de
références savantes, contient 353 quatrains prophétiques, la dernière, publiée
deux ans après la mort de Nostradamus, 942 – soit 58 quatrains de moins que les
1000 qu'il avait annoncés. Les Prophéties ont donné lieu à la publication de
près de dix mille ouvrages.
Les méthodes divinatoires de Nostradamus
Nostradamus affirmait volontiers
avoir appliqué toute une série de procédés divinatoires, parmi lesquels la « fureur poétique », ou le « subtil esprit du feu » de l'oracle de
Delphes ; l'« eau de l'oracle de Didymes
» ; l'« astrologie judiciaire »
(l'art de juger de l'avenir d'après le mouvement des planètes, mais Nostradamus
se disait « astrophile » plutôt qu'astrologue) ; les « sacrées Écritures », ou
les « sacrées lettres » (bien qu'il n'ait probablement pas possédé une Bible
telle quelle, interdite à l'époque aux laïques : il en aurait utilisé des
extraits trouvés dans Eusèbe, Savonarole, Roussat et le Mirabilis Liber) ; « la calculation Astronomique », ou la « supputation des âges », selon de
prétendus cycles datant d'Ibn Ezra et de bien avant (Nostradamus prétend
arrêter ses prédictions à l'an 3797) ; et le « songe prophétique » ou l'« incubation
rituelle ».
Il est cependant douteux qu'il
ait vraiment utilisé ces procédés, car il semble se contredire là-dessus (par
exemple en rattachant une même prophétie à plusieurs procédés), et il est plus
probable que sa méthode principale était la projection dans le futur de
prophéties préexistantes et de récits historiques, méthode dont il ne dit
presque rien, mais dont l'existence est rendue quasi certaine par un nombre
considérable de rapprochements faits depuis le XVIIIe siècle jusqu'à nos jours.
Le plus célèbre des quatrains réputés prophétiques
Le plus célèbre des quatrains
réputés prophétiques de Nostradamus est le trente-cinquième de la première
centurie (Centurie I, quatrain 35)
Le lyon ieune le vieux surmontera,
En champ bellique par singulier duelle,
Dans cage d'or les yeux luy creuera,
Deux classes vne, puis mourir, mort cruelle.
Selon les adeptes d'une lecture
prophétique, ce quatrain annoncerait la mort d'Henri II.
En juin 1559, le roi Henri II
affronta le comte de Montgomery, lors d'un tournoi de chevalerie. Ils auraient
porté (selon ces adeptes) tous deux un lion comme insigne. Henri II reçut la
lance de son adversaire dans son casque (selon certains, en or) et aurait eu
l'œil transpercé. Il mourut dix jours plus tard. Cette interprétation n'est pas
attestée avant 1614.
Quelques quatrains qui semblent avoir été copiés
Dans l'Épître à Henri Second qui
précède les trois dernières Centuries de ses Prophéties, Nostradamus semble
dire que ses dons de voyant lui révélaient parfois non l'avenir mais le passé. Son
admiratif interprète Chavigny intitula d'ailleurs Le Janus françois un livre où
il expliquait certains quatrains par des événements antérieurs à leur
publication.
Dans des lettres publiées en 1724
par le Mercure de France, un anonyme relevait lui aussi des « prophéties » de
Nostradamus qui semblaient tournées vers le passé et, à la différence de
Chavigny, il en concluait que Nostradamus se moquait de son lecteur.
L'existence de « quatrains du
passé » a reçu plusieurs confirmations, surtout grâce aux travaux de Pierre
Brind'Amour, qui datent des dernières années du XXe siècle. On a ainsi
découvert des emprunts très nets à l'astrologue Richard Roussat, à l'érudit
florentin Petrus Crinitus et à des auteurs antiques comme Tite-Live, Julius
Obsequens, etc.
Voici quelques exemples.
Centurie 1, quatrains 1 et 2 :
Estant assis de nuit secret estude,
Seul repousé sur la selle d'ærain,
Flambe exigue sortant de solitude
Fait proferer qui n'est à croire vain.
La verge en main mise au milieu de Branches,
De l'onde il moulle & le limbe & le pied.
Vn peur (conjecture : Vapeur) & voix fremissent par les manches,
Splendeur diuine. Le diuin prés s'assied.
Petrus Crinitus, De honesta
Disciplina, réédité à Lyon en 1543, livre 20, rapporte, d'après Jamblique
(traduit en latin par Marsile Ficin), comment les Sibylles pratiquaient la
divination « à Branches » (in Branchis). En quelques lignes, il est question
d'un « souffle ou feu ténu » (tenuem spiritum et ignem) ; d'une pythie assise «
sur un siège d'airain » (super aeneam sellam), d'une autre qui tient « une
verge dans sa main » (virgam manu gestat), baigne dans l'eau ses pieds et la
bordure de ses vêtements (pedes limbumque undis proluit) ou encore aspire la «
vapeur » (vaporem) et est emplie de « splendeur divine » (divino splendore).
(Noté par P. Brind'Amour)
Centurie 1, quatrain 42 :
Le dix Kalendes d'Apuril de faict Gotique (conjecture : Gnostique)
Resuscité encor par gens malins :
Le feu estainct, assemblée diabolique
Cherchant les or du d'Amant & Pselyn.
Dans le même livre de Petrus
Crinitus, l. 7, ch. 4, il est question de Gnostiques (Gnostici) qui, cherchant
à profiter des enseignements de Psellus et d'Origène Adamantius (Psellus,
Origenes Adamantius), s'assemblent (convenire) le dix des Calendes d'avril (X.
Cal. Apri.) et, toutes lumières éteintes (luminibus extinctis), commettent des
abominations.
(Noté par P. Brind'Amour)
Centurie 2, quatrain 41 :
La grand'estoile par sept iours bruslera,
Nuée fera deux soleils apparoir :
Le gros mastin toute nuit hurlera
Quand grand pontife changera de terroir.
Julius Obsequens, dans son Livre
des Prodiges (réédité en 1552 par Conrad Lycosthenes), raconte qu'après
l'assassinat de Jules César, « une étoile brûla pendant sept jours. Trois
soleils brillèrent (...). Des hurlements de chiens furent entendus de nuit
devant la maison du grand pontife (...). » (Noté par Brind'Amour)
Prophéties apocryphes
Les Sixains, qui furent publiés
pour la première fois au XVIIe siècle, sont considérés comme faux même par les
partisans de la prescience de Nostradamus, car ils ne sont pas dans son style
et son vocabulaire et sont beaucoup plus explicites que les quatrains
centuriques.