Le Hollandais volant
Le Hollandais volant, parfois appelé dans le passé « Voltigeur hollandais », est le plus célèbre des vaisseaux fantômes.
« Les marins de toutes les nations croient à l'existence d'un bâtiment hollandais dont l'équipage est condamné par la justice divine, pour crime de pirateries et de cruautés abominables, à errer sur les mers jusqu'à la fin des siècles. On considère sa rencontre comme un funeste présage. »
Il est souvent très difficile de remonter aux faits qui sont à l'origine d'une légende. Dans le cas du Hollandais volant, il pourrait s'agir des exploits d'un capitaine hollandais au cours du XVIIe siècle nommé Bernard (ou Barend) Fokke. Employé par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, il était connu pour effectuer, avec une rapidité surprenante pour l'époque, les trajets entre l'Europe et l'Asie : seulement trois mois et quatre jours en 1678, pour rejoindre l'île de Java en partant des Provinces-Unies. La rumeur attribua ces performances inhabituelles (il « volait » sur l'eau) à l'assistance du diable qui aurait logé à son bord sous la forme d'un caniche noir géant. En outre Fokke était, paraît-il, extrêmement laid, ce qui ajoutait à la crédibilité d'un pacte diabolique. Lors d'une expédition, il disparut avec son bâtiment sans laisser de traces et, quand la légende du fameux Hollandais volant se développa, on lui en attribua le commandement. Selon d'autres sources, le capitaine s'appellerait Van der Decken, avec une orthographe et un prénom variant suivant les versions. En fait, nul ne semble savoir exactement où et quand la légende naquit, mais ses racines sont sûrement fort anciennes.
Il semble que ce soit dans l'ouvrage de l'anglais George Barrington A Voyage to Botany Bay, publié en 1795 que figure pour la première fois une assez courte référence au « Flying Dutchman ». Il y est fait état d'une croyance superstitieuse propagée par les marins suite au naufrage d'un vaisseau de guerre hollandais durant une tempête, vaisseau qui serait par la suite brièvement apparu sous une forme fantomatique à son ancien bâtiment d'accompagnement.
Mais il faut attendre 1821 pour voir publier une version écrite détaillée de la légende dans un journal britannique. Ce qui parait en être la première version française a été publiée par Auguste Jal en 1832. Elle peut être résumée de la façon suivante :
Un navire hollandais est pris dans une violente tempête alors qu'il tente de franchir le cap de Bonne-Espérance. L'équipage supplie le capitaine de chercher un abri mais il refuse et s'enferme dans sa cabine pour fumer et boire. La tempête s'aggravant encore, le capitaine défie le ciel de couler le navire. Une forme lumineuse se matérialise à bord du bâtiment devant l'équipage terrorisé. Le capitaine injurie alors l'apparition, braque sur elle un pistolet et tire, mais l'arme lui explose dans la main. Une voix s'élève alors pour lui déclarer : « Puisqu'il te plaît tant de tourmenter les marins, tu les tourmenteras, car tu seras le mauvais esprit de la mer. Ton navire apportera l'infortune à ceux qui le verront. ».
Le cap de Bonne-Espérance, par William Hodges (1772)
Il existe un grand nombre de versions de cette légende, chacune comportant des variantes. Il reste toutefois deux constantes : le navire est hollandais et les évènements (comme d'ailleurs la plupart des apparitions futures) se déroulent aux alentours du cap de Bonne-Espérance. Un très grand navire serait parti, en 1680, du port d'Amsterdam à destination de Batavia (l'actuelle Jakarta), commandé par un capitaine peu honnête qui profitait du voyage pour faire de la contrebande. Le navire fut intercepté par le diable au cours d'une terrible tempête et sombra avec ses marchandises et tout son équipage. Toutefois le navire réapparut ensuite, piloté par les fantômes de son équipage. Dans une autre version, le capitaine fut maudit pour avoir appareillé un vendredi saint. Ou encore le capitaine de ce brick fut assassiné par son équipage qu'il parvint à maudire avant de mourir. Peu de temps après, la peste se déclara à bord et le navire fut rejeté de tous les ports où il tenta d'accoster, par peur de la contagion. Il commença alors à errer sans fin sur les mers. C'est aussi parfois des actes de piraterie et de cruauté de l'équipage qui sont la cause de sa malédiction.
Le parc d'attraction d'Efteling aux Pays-Bas donne sa propre version pour expliquer le thème de son manège De Vliegende Hollander : Le capitaine Willem van der Decken commande le navire « Hollander ». Il est riche et puissant ce qui ne l'empêche pas d'être un terrible pirate. En 1678, il décide d'appareiller vers les Indes, un Vendredi saint, malgré une terrible tempête. Il fait alors cette proclamation qui lui vaudra la damnation éternelle :
En vieux néerlandais En français
Ik zal vaeren, Je naviguerai,
storm of gheen storm, tempête ou pas tempête,
Paesen of gheen Paesen. Pâques ou pas Pâques.
Ik zal vaeren, Je naviguerai,
al is het tot in den eeuwigheid ! même pour l'éternité !
Témoignage princier
Le jeune duc d'York, futur roi d'Angleterre sous le nom de George V, a servi dans la marine britannique jusqu'en 1891. Lors de l'un de ses nombreux voyages il s'est trouvé, en compagnie de son frère le prince Albert Victor, à bord du navire-école La Bacchante qui faisait route vers Sydney en Australie. Le 11 juillet 1881N 1, alors que le bateau naviguait dans les eaux australiennes, il eut la vision d'un vaisseau fantôme identifié comme étant le Hollandais volant. Il nota dans son carnet de route : « Au milieu d'une lumière rouge, on distingua nettement les mâts, les vergues et les voiles d'un brick à environ deux cents yards (soit environ 180 mètres) par bâbord avant. Le veilleur d'étrave signala le navire très proche et l'officier de quart le vit aussi, clairement, de la passerelle. Le midshipman de service l'aperçut également et fut envoyé sur le gaillard d'avant, mais, quand il y arriva, il ne put voir aucun signe de bateau matérialisé. La nuit était claire, la mer calme. Treize personnes au total ne pouvaient nier l'avoir vu. » Par ailleurs, le matelot de vigie qui était en haut du grand mât tomba et se tua sur le coup. La mort accidentelle d'un membre d'équipage pouvant être embarrassante pour le capitaine, l'écrivain Xavier Yvanoff suggère qu'en fait, cette brève apparition était aussi une justification providentielle de ce dramatique accident.
Légende persistante
La légende a marqué durablement les esprits. En 1882, J.L. Soubeiran écrivait, parlant de la géographie des côtes du sud de l'Afrique :
« Joignez à cela un océan tempétueux pendant la plus grande partie de l'année, une ceinture presque continue d'un violent ressac et de nombreux promontoires que prolongent le plus souvent de dangereux récifs. Aussi cette côte était-elle redoutée des anciens navigateurs, qui, pour éviter l'influence funeste du Hollandais Volant, du Vaisseau fantôme de van Deeken, avaient pris soin de planter sur tous les caps la croix, signe du salut. »
En 1939, un bateau semblable fut vu par une douzaine de personnes qui se baignaient à Glencairn beach, une plage d'Afrique du Sud, au sud-est du Cap. Le navire, qui avait toutes ses voiles gonflées, a traversé la mer à vive allure bien qu'il n'y ait pas la moindre brise.
La vision de
l'Inconstant
Vers
quatre heures du matin, le 11 juillet 1861, par beau temps, le HMS Inconstant
de la Royal Navy
naviguait dans l'océan Pacifique lorsque l'officier de quart vit brusquement un
voilier à deux mâts enveloppé d'un nuage luminescent surgir brusquement, lui
couper la route, passer à environ 200 mètres sur bâbord puis disparaître. En
quelques instants il ne resta plus de l'étrange vaisseau qu'une faible lueur à
l'horizon. L'événement fut consigné dans le livre de bord.
L'Octavius
L’Octavius est un vaisseau fantôme, qui n'a probablement jamais existé mais est devenu une légende.
L'histoire veut que ce navire a été trouvé à l'ouest du Groenland par le baleinier Herald le 11 octobre 1775. Les marins du Herald arraisonnent l’Octavius et retrouvent sous le pont tout l'équipage mort gelé, dans état presque parfaitement conservé. Le corps du capitaine toujours à son bureau dans sa cabine, une plume à la main (exactement comme dans la légende du Jenny (en)) avec le livre de bord face à lui. Les marins ont pu seulement prendre ce livre avant de quitter le navire. La dernière entrée était celle du 11 novembre 1762, ce qui signifiait que le navire avait été perdu dans l'Arctique depuis treize années. Le journal, gelé, a glissé de sa reliure, ne laissant que la première et les dernières pages de ce dernier.
L’Octavius aurait quitté l'Angleterre pour l'Orient en 1761 et est arrivé à sa destination l'année suivante. Le capitaine aurait tenté de revenir par le passage du Nord-Ouest. Il aurait été piégé dans la glace au nord de l'Alaska (la dernière position enregistrée du navire par son équipage serait de 75° N 160° O, au nord de Barrow). Ainsi, l’Octavius aurait réussi le passage du Nord-Ouest à titre posthume. Le navire n'a jamais été revu après sa rencontre avec le Herald.
Le Tricoleur
Le
5 janvier 1937, vers 17 heures, le Khosron voguait prudemment sous une pluie
battante, actionnant sa sirène toutes les deux minutes. Soudain, le son d'une
autre sirène se fit entendre. Le capitaine fit aussitôt stopper les machines.
Brusquement, la forme imprécise d'un navire surgit à bâbord et passa à moins de
deux cents mètres. L'équipage put distinctement lire son nom : Tricoleur.
Quelques minutes plus tard, la pluie cessa et la vue porta à sept milles. Étant
donné leurs vitesses relatives, les deux navires ne pouvaient être éloignés de
plus de trois milles. Pourtant, le Tricoleur avait disparu. Robinson, qui
venait de faire le point, emmena alors le capitaine dans la chambre des cartes.
À l'endroit où les navires s'étaient croisés, la carte indiquait : « M.S. Tricoleur a explosé et coulé en ce
point le 5 janvier 1931, à 17 heures. »